Interrogé en sa qualité de témoin pour éclairer la cour, Djillali Hadj Sadouk, désigné en décembre 2002 par un décret présidentiel comme membre de la commission bancaire, affirme que le jour de son arrivée coïncidait avec le gel des opérations de commerce extérieur au sein de Khalifa Bank. Il rappellera que la décision du gel des transferts de fonds a été au départ une décision provisoire. «On a simplement confirmé», estime-t-il. La présidente de l’audience veut savoir s’il avait reçu un aperçu de la situation de la banque Khalifa, Hadj Sadouk confirme avoir été tenu au courant de la gravité de la situation sans pour autant détenir des documents ou des rapports. «Maâchou et Namous savaient ce qui se passait auparavant», observe-t-il avant d’indiquer : «Lors d’une assemblée, on a désigné les inspecteurs pour faire un nouveau contrôle et désigné un administrateur provisoire».Hadj Sadouk estime que la mission de l’administrateur est de secourir la banque et non d’arrêter son travail. Mme Brahimi intervient pour lui dire que la banque a déjà eu l’occasion de se rattraper. «Quel est votre avis ?» demande-t-elle. Le témoin qualifie «d’anormale» et de «nulle» la situation dans laquelle se trouvait la banque Khalifa. La magistrate lui fait savoir que malgré la décision du gel des opérations du commerce extérieur, des sommes d’argent continuaient à sortir. Hadj Sadouk réplique que se sont là des «opérations clandestines». L’autre témoin et membre de la commission bancaire à défiler devant la cour est Brahim Benziyada. Ce dernier relate qu’il a été désigné par le ministère des Finances pour faire partie de la commission bancaire en décembre 2002. La présidente de la cour veut savoir quelles ont été les décisions prises juste après son installation. Benziyada, sûr de lui, répond qu’il a eu à confirmer la décision prise par la direction générale, à savoir le gel des opérations extérieures.
Mme Brahimi l’interroge sur les motivations d’une telle décision. «Les motivation avait trait aux infractions récurrentes des dispositions de la loi de change.», répond-il. La magistrate l’invite à se prononcer sur le «danger» dans lequel se trouvait la banque Khalifa. Benziyada atteste des infractions au code du commerce extérieur au moment où la masse des transferts s’était accentuée. La magistrate tente de percer le mystère des rapports de la commission d’inspection. «On nous a informé sans nous donner les dossiers», se contente-t-il de dire. La juge intervient pour lui dire que la loi impose à la Banque d’Algérie de donner du temps aux banques pour se ressaisir et corriger leurs carences : «Dans quelles circonstances cela se fait-il ?», lui demande-t-il. «ça dépend de la situation. On a eu à traiter des banques en difficulté. On donne des délais.Passés ces délais, on a sanctionné».
L’argent sortait malgré la decision de gel…
Mme Brahimi lui demande si une inspection de la Khalifa, après la décision du gel du commerce extérieur, pouvait ne pas remarquer les transferts à travers les Swift. Benziyada répond être incapable de donner des explications. Comme offusquée, la juge lui rappelle que le gouverneur de la Banque d’Algérie, Leksaci, affirmait que l’argent continuait à sortir malgré la décision de geler le transferts de fonds vers l’étranger. Après un moment d’hésitations, Benziyada tenta d’éluder la question en soulignant : «La commission bancaire a ses instruments. Les services qui ont pris la décision du gel devaient prendre les mesures de contrôle». La présidente revient à la charge : «L’argent continuait de sortir». Sur ce, le témoin rétorque que cela se faisait par un canal illégal. De son côté, Badsi, liquidateur de la banque Khalifa, est appelé pour intervenir sur ce point précis. «C’est immoral de faire des actes sauvages. On doit être harmonieux dans les seuils de tolérance. Il y a nécessité de faire un traitement politique», préconise-t-il dans une allusion sibylline aux taux d’intérêts appliqués par la banque Khalifa. Par ailleurs, Omar Namous, membre de la commission bancaire depuis 1997, mais réinstallé le 2 décembre 2002, comme expert financier dans la même commission, est appelé en sa qualité de témoin. Celui-ci eu droit aux mêmes questions, à une différence près puisque Namous était membre de ladite commission du temps de l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Abdelwahab Keramane. Namous confirme les déclarations de ses collègues en estimant que des irrégularités et des anomalies ont été relevées. «Nous avons été destinataires d’un P.-V de réunion de la Banque d’Algérie, le gouverneur pour rappeler que toute modification statutaire demande et nécessite de ramener les comptes d’ordre à un niveau acceptable», relate-t-il.
“Des inspections se faisaient en dehors de l’inspection générale”
La présidente de l’audience lui fait remarquer que Khemoudj a affirmé qu’un changement a été opéré sur l’actionnariat de la banque Khalifa et que cela exige d’avoir l’aval du Gouverneur. Namous opine que toutes modifications devraient d’abord avoir l’accord du conseil de la monnaie et du crédit. Mme Brahimi veut savoir quelles sont les conséquences d’un tel dépassement de la loi. Le témoin tente d’éluder la question. Alors la juge intervient pour lui rappeler que la situation était inextricable, elle exigait de prendre des dispositions très sévères. Namous se perd dans une explication qui ne convainc guère la magistrate. Cette dernière revient à la charge : «En 1999, il y a en un rapport alarmant», constate-t-elle. L’expert financier atteste n’avoir pas reçu ce rapport. Toujours plus subtile, Mme Brahimi relance ses questions. Elle veut savoir comment de l’argent continuait de sortir malgré l’adoption de la décision sur le gel du commerce extérieur. «Après la décision, aucun transfert n’a eu lieu», se justifie-t-il avant de renchérir : «J’ignore que des inspections se faisaient en dehors de l’inspection générale.» Plus loin, Namous avoue : «On a demandé les lettres de suite lesquelles enjoignaient à la banque Khalifa d’assainir ses comptes d’ordres. Nous avons demandé par écrit les documents des rapports. Savait-il quand Khalifa avait opéré un changement de ses actionnaires et de ses dirigeants ?”. «C’est en mars 2000» répond-il. Selon lui, c’est le gouverneur qui donnait ordre à l’inspection générale de faire des inspections. Le représentant du ministère public intervient pour lui demander s’il lui arrivait de se demander d’où venait l’argent utilisé dans le sponsoring. Namous réplique que la mission de la commission bancaire est de s’assurer des normes réglementaires de prudence et d’engagements extérieurs. Il dit ne pas être habilité à s’immiscer dans l’acte de gestion de la banque. Cette déclaration fait bondir la magistrate. «En aucun cas, le Gouverneur ou autre ne pourrait dire qu’il y a un secret professionnel pour ne pas donner des informations. La loi vous protège. On ne dit pas qu’on n’a pas été saisi», tonne-t-elle. Durant l’après-midi, d’autres membres de la commission bancaire ont été entendus. Le premier à avoir témoigné est Kamel Akhrouf, secrétaire général de ladite commission. Il estime que le son rôle ressemble à s’y méprendre au rôle du greffier. Mme Brahimi l’interroge au sujet des 10 rapports établis par l’Inspection générale. «Parmi les 10 rapports, seulement 7 sont arrivés. Le premier était celui de 1999, le second concernait l’agence de Blida, alors que le troisième avait trait aux transferts de KhalifaAairways», note-t-il, et d’ajouter que «le premier rapport n’a pas été transmis à la Commission bancaire.» Akhrouf avoue qu’après l’interpellation des dirigeants de la banque Khalifa sur certaines irrégularités, la situation ne s’est pas améliorée. Sur ce, la magistrate prend la parole pour s’interroger comment aucune mesure disciplinaire n’a été prise pendant trois ans d’existence de Khalifa Bank. Akhrouf reste de marbre avant de lâcher que la Commission bancaire a été souveraine. «Quelque part, il y avait une volonté de dissimuler des informations», déduit-elle. Selon le témoin, Khalifa ne faisait qu’émettre «beaucoup de promesses» quant au règlement des irrégularités.
Un autre membre de la Commission bancaire, Amar Boubakraoui, est cité par la présidente de la cour pour apporter son éclairage. Celui-ci révèle que la banque Khalifa avait la manie de dissimuler la déclaration de certains clients. La juge veut savoir s’il était au courant que Khalifa a eu un crédit d’une autre banque.
Boubakraoui répond être incapable d’apporter des informations. Toutefois, il soutient que 230 sociétés, entres autres des SARL et des EURL ont bénéficié d’un crédit de plus de 2 millions de dinars. Selon lui, une personne morale avait bénéficié d’un crédit de 46 milliards de centimes.
Hocine Lamriben
