Le chemin de croix du jeune entrepreneur

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Le secteur des travaux, par les immenses sommes d’argent injectées, suscitent des appétits voraces. Pour analyser ce secteur,il est utile d’identifier les parties actives et les bénéficiaires passifs voire parasitaires.

Commençons par les banques. Il n’existe pas d’exemple au monde pour dire le système bancaire algérien.

Sans intervenir, ni même chercher à savoir, sans engager ni argent, ni responsabilité, ni même garantie, elles prélèvent en frais fixes l’équivalent de 5% du coût de toute réalisation, parce que l’argent transite par elle.

Pour schématiser et étayer cela, imaginer que sur le million de logements à réaliser, 5000 iront dans les caisses des banques. Pour aller plus loin encore, tout le monde connaît les megaprojets initiés par le Président : autoroutes, métro d’Alger, barrages…etc.…Dans tous les pays du monde, on sait que pour leurs réalisation, on crée des consortiums intégrant les banques, les hommes d’affaires, les entreprises, et même des particuliers, pour lever les fonds nécessaires, le pouvoir politique étant l’animateur principal et le garant moral.

Ces megaprojets sont estimés à environ trente milliards de dollars. En frais et parce que l’argent transite par elles, les banques engrangent la bagatelle de 1500 milliards de centimes.

Le Président qui est courtisé et supplié par les établissements financiers mondiaux pour venir prendre des crédits auprès d’eux, n’est pas solvable aux yeux de banquiers qu’il nomme et qu’il dégomme à sa guise. Simplement burlesque !

Examinons maintenant la structure même d’un marché public, notamment son volet qualification et habilitation « technique ».

Un ignorant pluridisciplinaire qui aurait réalisé quelques mètres de trottoirs est deux fois plus habilité « techniquement » pour prendre un marché, que le plus haut diplômé dans le secteur (ingénieur, techniciens…), qui débarque fraîchement à la tête d’une entreprise, à supposer même qu’ils soient égaux en moyens matériels et humains. Il est huit fois plus habilité, si durant son existence, il a côtoyé accidentellement un chantier pour y réaliser un seul bâtiment. Les étudiants en ingénierie du secteur peuvent s’estimer heureux : ils seront à peine plus cotés qu’une bétonnière.

L’attribution étant prononcée, l’entreprise est tenue de remettre, dès l’entame des travaux, une caution de garantie de 5% du montant du marché, prélevée sur son argent frais.

Pour le profane, ce petit pourcentage est insignifiant.

Pour l’entreprise, c’est une grande amputation de ses capacités d’action. Pour transposer à l’échelle réelle, et montrer le degré du préjudice dûe à cette amputation, prenons exemple de l’entreprise qui intervient actuellement sur la bretelle El Kseur-Béjaïa ou l’aéroport Abane- Ramdane.

Ces deux projets totaliseront probablement un marché de 130 à 150 milliards de centimes. L’entreprise qui intervient doit prélever sur ses fonds propres la bagatelle de 7 milliards de centimes, à remettre au maître d’ouvrage sous forme de caution de garantie. Suffisamment d’argent frais pour entamer les travaux d’une promotion de 500 à1000 logements.

Un accord banque-entreprise-maître d’ouvrage, à l’initiative de ce dernier, libellé ainsi:

– l’entreprise engage en argent 1% du marché

– la banque libère la caution de 5%

– le maître d’ouvrage, en accord avec l’entreprise, s’engage à effectuer des prélèvements sur facture de 1.5 % à chaque règlement de situation jusqu’à créditer cette caution (les trois premières factures), et bien sûr ne pas ordonner son versement au Trésor public avant cette période (cinq mois au plus), pour rassurer la banque sur le recouvrement de ses créances.

Un tel accord, gagnant-gagnant pour tous est-il du domaine de la fiction ?

Passé le premier mois, où l’entreprise mobilise ses moyens financiers, elle présente sa première situation pour encaissement. Le délégué du maître d’ouvrage, dont la responsabilité civile et pécuniaire est personnellement engagée, doit prendre le temps d’examiner votre facture. Quinze jours sont déjà passés, c’est le délai. S’il y a des erreurs, il la rejette. Il vous montre une première erreur et vous demande de refaire. Vous lui ramenez de suite une seconde facture. Ben, il faut lui laisser le temps de réexaminer votre facture et le marché, il n’a pas que vous en tête. Quinze jours passent. Evidemment vous courez demander après vos sous. Ah ! Rejetée, deuxième petite erreur. « Pourquoi vous bloquez vos millions de dinars alors que le collègue à côté peut faire ça à votre place, eh bien, demandez-lui ». Mais en dehors des horaires de travail, précision utile. Et je ne parlerai pas de cette bureaucratie qui décide, sur papier, qu’un logement construit à Akbou, où tout est à portée de la main, engendre les mêmes frais, donc le même coût qu’un logement construit à Chemini, loin de tout.

T. Iberraken

Ingénieur-entrepreneur

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