C’est l’un des plus anciens poètes de la Belgique. Ses écrits poétiques ne cessent de fasciner les lecteurs de sa terre natale et des autres coins du monde.
Rodenbach Georges est un poète belge d’expression française. Né le 16 juillet 1855 à Tournai (Hainaut), mort à Paris le 25 décembre 1898. De famille gantoise jadis émigrée de Rhénanie, il fait ses études chez les jésuites de Gand, puis à l’université de cette ville, où, en 1878, il obtiendra le diplôme de docteur en droit. De 1876 à 1885, il séjourne à Paris, fréquente les « Hydropathes » d’Emile Goudeau, et publie chez Lemaire trois volumes de vers : Le Foyer et les champs (1877), Les Tristesses (1879), La Mer élégante (1881). A Bruxelles, pendant deux ans, il exerce brillamment la profession d’avocat, puis participe à la fondation de La Jeune Belgique. Installé à Paris à partir de 1887, il y demeurera jusqu’à sa mort, ne collaborant plus guère qu’aux périodiques français : La Nouvelle Revue, La Revue blanche, le Mercure de France, La Revue de Paris, Le Figaro, Le Journal. Il contracte de solides amitiés avec Edmond de Concourt et Mallarmé, sans cesser de fréquenter son vieil ami Verhaeren, son aîné de deux mois. Le premier recueil où se révèle son originalité, Le Jeunesse blanche, a paru en 1886 ; Rodenbach s’y affirme incontestablement le premier en date des symbolistes, au sens propre du terme et avant qu’il ait été mis à la mode et brandi comme une oriflamme par les poètes nouveaux, opposé au naturalisme et à la plastique sans drame ni mystère de l’école dite « parnassienne »; aucun poète depuis Baudelaire n’avait introduit à ce point dans la poésie cette méditation toute intérieure et cette musique en sourdine que seuls le souvenir et le rêve mystique alimentent.
Certes, on peut reprocher à Rodenbach sa monotonie, une langueur qui confine à la chlorose et une nuance de préciosité ou de raffinement qui, d’ailleurs, ne tient nullement à la rareté des vocables. Cette note en demi-teinte ne fera que s’accentuer dans Le Règne du silence (1891), où le paysage et la description font presque entièrement place au repli, à la méditation. On retrouve l’année suivante une atmosphère comparable dans Bruges la Morte, roman où l’intrigue, volontairement banale, est noyée dans l’évocation extrêmement délicate et pieuse de la vieille ville aux canaux silencieux et sillonnés de cygnes sous un ciel de brume. Cet ouvrage établit la grande renommée de Rodenbach, tout en provoquant les vives protestations des Brugeois. Le poète s’y révèle prosateur de grande classe et va bientôt affirmer sa maîtrise dans Le Carillonneur et L’Arbre, qui seront aussi les véhicules de sa nostalgie d’exilé mais non point de renégat envers la Flandre maternelle.
C’est quelques mois après qu’il reçoit de Lunéville une plaquette intitulée Fleurs de neige, imprimée à Nancy et signée d’un nom exotique Heirclas Rügen; ce pseudonyme dissimule à peine un autre grand poète du lendemain, Charles Guérin, qui se déclarait l’humble disciple de Rodenbach et lui empruntait plusieurs épigraphes pour des sonnets apparemment plus tarabiscotés que mélancoliques; vivement encouragé par ce maître qui devait le présenter à Mallarmé. Guérin lui consacre une étude enthousiaste et lui demande de préfacer son volume suivant, Joies grises. Mais, dès 1896, au moment où paraissent Les Vies encloses, le jeune « décadent lorrain » s’est dégagé d’une influence pour lui pernicieuse; deux ans après, Rodenbach, qui n’a cessé néanmoins de lui témoigner une affectueuse bienveillance, donnera à La Nouvelle Revue un bel et juste éloge du Coeur solitaire. Il donne lui-même, en 1898, son dernier recueil, Le Miroir du ciel natal, où, pour la première fois, il adopte le vers libre. Puis sa santé s’altère brusquement; et après celui de Mallarmé (9 septembre), Charles Guérin pleure le jour de Noël le départ d’un de ses plus généreux patrons.
Et ce sera lui que la veuve chargera de surveiller l’édition des écrits posthumes : les études critiques de L’Élite, les beaux récits du Rouet des brumes et Le Mirage, drame, tiré de Bruges la Morte.
Y. C.
