Sonelgaz peine à recouvrer ses redevances

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Le bras de fer El Kseur-Sonelgaz continue. En fait, il n’a jamais cessé. Et même si le mot d’ordre ne fait pas l’unanimité, comme aux premières heures du Printemps noir, il n’en demeure pas moins que près de la moitié des El Kseurois restent réfractaires à toute idée de payer. El Kseur et ses rues rectilignes, tracées au cordeau, ses pylônes dont les cimes abritent depuis toujours des nids à cigognes, son atmosphère bucolique, ses habitants qui cultivent un petit air de “gentlemen farmers” éprouve toutes les peines du monde à émerger d’un engourdissement vaporeux, éthéré. Les cafés sont bondés et la clientèle, de jeunes et de moins jeunes n’attend que les premiers rayons de soleil pour investir la rue et capter le peu de chaleur dispensé par un Râ bien palôt. Outre la flambée des prix, cadeau de Nouvel An, une seule question revient dans toutes les discussions : la sécheresse et l’absence d’ondées salvatrices.

Chacun y va de sa thèse, de son appréciation. Le bon sens paysan emprunte parfois des raccourcis aussi imprévisible qu’invraisemblable… Des journées de plomb du Printemps noir, des barricades et de l’intransigeance d’un Comité de la société civile (CSC), devenu une légende, pas un mot. Pourtant, le “combat” continue. Sous une autre forme, certes, mais la résistance est toujours de mise.

Et s’il y a une ville, une seule en Kabylie où certaines décisions prises dans le feu de l’action lors du maëlstrom de 2001, demeurent encore d’actualité, c’est bien El Kseur. Il y va ainsi des factures d’électricité ! Si après le dialogue entrepris par une aile du mouvement des aârouch avec le pouvoir, ce volet, véritable défi à l’autorité, a été pris en charge jusqu’en décembre 2004, tous les bastions de la résistance ont fini, l’un après l’autre, par rentrer dans les rangs, une partie des El Kseurois continue en solo à faire de la résistance. “Nous ne céderons qu’une fois la facture expurgée de ses taxes télé et d’habitation”, clamera à l’unisson un groupe de jeunes élèves. Et d’ironiser sur “une société d’électricité ravalée au rang de collecteur d’impôts”. Le mélange des genres est ainsi tourné en dérision ! Si le nombre de “rebelles” a diminué passant de la quasi-totalité de la population à un peu moins de la moitié (45% !), il n’en demeure pas moins qu’El Kseur est perçu comme l’empêcheur de tourner en rond, le grain de sable dans l’engrenage Sonelgaz.

Car ailleurs, l’heure est au “civisme”, lâcheté pour les irréductibles. L’aspect primesautier de l’acte de payer est présenté par les bons citoyens d’El Kseur (ainsi se définissent-ils !), notamment le 3e âge qui a vu d’autres, des caïds aux colons, du beylick à l’Etat socialiste et à l’Etat affairiste, comme une réaction citoyenne (une de plus), une rupture avec un passé proche et douloureux.

Les tenants du boycott, eux, s’appuient avec force détermination et conviction sur la justesse de la décision prise au lendemain de “l’énorme manipulation orchestrée par l’Unique lors de l’historique marche du 14 juin 2001”. “Il y a des actes qui ne se pardonnent pas. Que l’ENTV fasse son mea-culpa et nous réviserons peut-être alors notre position”, dira Chérif, père de famille et cadre dans une société.

Sonelgaz demeure impuissante et se contente de gérer un statu quo entrecoupé parfois de tentatives vite étouffées de reprendre les choses en main.

Il y va ainsi des coupures entreprises ça et là et qui se terminent inévitablement par la fuite des agents devant la détermination des concernés, épaulés par les troupes du CSC, en hibernation certes, mais ne badinent guère avec ce mot d’ordre de désobéissance, le seul qui tienne encore. Cela engendre souvent des situations, qui n’eut été le risque de dérapage prêterait à rire par son côté burlesco-dramatique car le tout s’apparente à un jeu, grandeur nature. Celui du chat et de la souris. Et quand les “coupeurs” arrivent à leurs fins, la privation en énergie ne dure qu’un temps, celui mis par certains, se réclamant de Sonelgaz pour rétablir le courant. Cela se passe comme ça à El Kseur…

Pour Sonelgaz, le manque à gagner serait de l’ordre de 4 milliards de centimes à en croire notre contact à El Kseur. Et ce, rien que pour les années 2005 et 2006 ! Ce qui ne semble ni effrayer ni encore moins empêcher “les rebelles” d’El Kseur de dormir. En fait, ils ne doutent de rien. “Quant à réintégrer la légalité, la question n’est pas d’actualité”. Dda Mohand vient de s’exprimer ! Et c’est sans appel…

Mustapha R.

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