Kherrata et Melbou se souviennent

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Les rafales avaient commencé bien avant le 8 mai et c’est à Sétif que le porte-à-porte initié par l’armée française avait eu lieu. Camions blindés et jeeps avaient pris position tout au long de l’avenue du 8 Mai 1945 de la capitale des hauts plateaux. Hommes, femmes et enfants qui étaient cachés à l’interieur de leurs maisons furent évacués manu-militari et chargés à bord des camions. Il était 9 h du matin. Pendant la journée du 8 mai, lorsque un jeune homme sillonnait l’avenue tout en brandissant l’emblème national, Saâd Bouzid, c’est le nom du premier chahid de cette tragédie, fut criblé de balles. Il mourait en héros. La centaine de camions chargés pèle-mèle d’Algériens détenus prit la direction de Kherrata. L’objectif des gradés de l’armée française était de décharger à même les bennes de camions les centaines de prisonniers dans les profonds ravins jouxtant les gorges de Kherrata.Ce fut fait et de la manière le plus inhumaine. L’autre plan du commandement français était de regrouper le maximum d’Algériens notamment de la Petite Kabylie à Melbou. Le lendemain du 8 mai, ce fut effectivement une véritable marée humaine qui fut rassemblée le long des plages de Melbou jusqu’à Aokas. Ce jour-là, blindés, camions et bateaux de guerre surveillaient étroitement les prisonniers. L’objectif était l’extermination pure et simple de tout ce beau monde qui se compte par milliers. Pendant ces longs moments d’attente, quelques vieillards et enfants succombaient à la fatigue et au stress.Ils furent les proies de poissons. Brusquement, une jeep stationnait non loin de la foule, il y avait à bord deux officiers dépêchés du commandement militaire français de Constantine. L’un d’eux s’empara du haut-parleur qu’il tenait sur sa main droite. Les milliers d’Algériens retenaient leur souffle. «Le commandant du groupement de Constantine a décidé de vous épargner la vie pour cette fois, vous pouvez rentrer chez vous», annonça l’officier missionnaire. La maraie humaine se dispersa laissant derrière, des fumées de poussière. Pendant ce temps, quelques rafales de mitraillettes avaient sifflé au-dessus des têtes de nombreux prisonniers. D’autres vieillards et enfants moururent à leur tour par piétinement. C’est en gros de cette manière et pas une autre que furent traités des Algériens par l’armée d’un pays sensé être l’exemple vivant des Droits de l’homme.

A. Nabet

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