Gérard Labrunie de Nerval s’est révélé dans ses œuvres comme l’un des prosateurs et des poètes majeurs de la langue française. Lié avec les grands écrivains romantiques, traducteur prodige du Faust de Goethe (1828), Gérard de Nerval avait l’ambition de rendre la parole au rêve et à la folie, afin d’offrir une clarté nouvelle. Voyage en Orient, 1851 ; les filles du feu, 1854, ses sonnets des Chimères, et son roman Aurélia font de lui le double précurseur de Baudelaire et de l’exploration surréaliste de l’inconscient : “Le rêve est une seconde vie. Je n’ai pu franchir sans frémir ces portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible…”, écrit-il dans l’ouverture d’ Aurélia.
Théophile Gautier voyait en Nerval l’homme des “théories impossibles” et des “livres infaisables”. Aurélia décline le récit d’une maladie mentale et donne voix à la déraison, guère prisée depuis l’ Eloge de la folie d’un certain Erasme.
Il faudra les surréalistes pour délivrer l’auteur des Illuminés d’un malentendu. Errance, amour, souvenir composent les thèmes dominants de son œuvre, comme le montre Michel Brise dans les introductions des deux volumes publiés au Livre de Poche, auxquels il faut joindre les ? Aurélia et Sylvie.
Gérard de Nerval mêle prose et poésie, voire, prose, théâtre et poésie. Comment comprendre le titre des Filles du feu? Une hypothèse séduisante évoque un passage de Histoire de France” de Jules Michelet, relatif au feu allumé par les anciens Irlandais en l’honneur du dieu Beal : “Le feu fut entretenu par des vierges, souvent de qualité, appelées filles du feu ou “gardiennes du feu”, ce qui fait les confondre avec les nonnes de sainte Brigitte”.
Une grande part de fascination exercé par “Les filles du feu” tient aussi à la présence des douze sonnets des “Chimères” en fin de volume. Poèmes magiques, ésotériques, maintes fois commentés, notamment dans l’excellente édition, critique des classique Garnier. Nerval explique dans Sylvie, qu’il a essayé de fixer : “Les Chimères qui charment et égarent au matin de la vie”.
N. Maouche
