Lakelak condamné à 3 ans ferme et des milliards de dédommagements

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Sur le plan civil, les deux co-accusés sont, en outre, condamnés à payer conjointement et solidairement à la partie demanderesse une somme dépassant les 9 milliards de centimes représentant le préjudice subi par le ministère de l’Habitat. Toujours sur le plan civil, les deux co-accusés ont été condamnés à verser à titre de dédommagement cinq cents millions de centimes chacun.

Retour sur une affaire qui fait ainsi tomber le ciel sur un Nouredine Lakelak, véritable coqueluche bougiote qui, en plus d’être le propriétaire du fameux Capritours, est aussi président du MOB, le club de foot le plus populaire de la ville.

Tout commence en janvier 2003 lorsqu’une expertise établie par le Centre national d’assistance technique (CNAT) indexe un surcoût de 74 140 435,00 DA sur le « pilotage », en 1995, par BAI-Leklak, de trois projets de logements sociaux pour le compte de l’OPGI-Béjaïa pour un montant global de 14 664 236 DA. Il s’agit de trois lots de 40, 44 et 60 logements à El-Kseur, d’un lot de 70 logements à Sidi-Aich et d’un autre lot de 46 à Tichy. Outre le surcoût financier, l’expertise met à l’indexe le contrat dans son fond même. Pour le CNAT, ce contrat en soi constitue une aliénation des prérogatives du maître d’ouvrage délégataire de l’OPGI. Un bureau d’études, BAI-Lakelak en l’occurrence, serait non qualifié pour le pilotage des chantiers. Un type de prestations qui serait du ressort des artisans et entreprises cocontractants. Il y aurait, en somme, manquement à la loi et précisément au décret N° 91-434 du 09 novembre 1991 portant réglementation des marchés publics qui met le contractant en infraction. Un avenant portant fusion des divers contrats de pilotage est qualifié par l’étude du CNAT d’ « aberration juridique ».

Une autre expertise, commanditée par le tribunal de Béjaïa, fait ressortir un préjudice de 5,9 milliards de centimes. Et c’est vraisemblablement en procédant à un recoupement des données des deux expertises que le tribunal aura conclu à un préjudice de plus de 9 milliards, montant de la réparation décidée au profit du ministère de l’Habitat. Reportée à deux reprises, l’affaire a enfin été examinée le 6 février écoulé.

Les chefs d’inculpation retenus portent sur la passation de contrats contraires à la loi, l’infraction au code des marchés et la dilapidation des biens de l’Etat.

Le procureur de la République, rappelons-le, a requis des peines de prison ferme de cinq ans et des amendes de cent million de centimes pour chacun des deux accusés.

Absent hier à l’énoncé du verdict, Nouredine Lakelak a néanmoins tenu à dire son fait à travers des encarts de presse (voir notamment notre édition d’hier).

Le patron de Capritours se montre de prime abord irrité par la « médiatisation » du procès qu’il qualifie d’ »affaire somme toute banale ». Il estime que celle-ci s’inscrit dans le « but inavoué d’influencer le cours de la justice ». Puis, plus loin, il laisse entendre que cette médiatisation serait sustentée par les intérêts que son partenariat avec l’OPGI aurait dérangés. Ceux-ci sont tour à tour qualifiés de « charognards du bâtiment qui gravitent autour de l’OPGI », de « barons », etc.

Le propos se fait plus précis quand Lekelak incrimine directement « l’ancien président de l’APW de Béjaïa (Hamid Ferhat, ndlr) qui a commencé la manipulation, il y a deux années déjà ».

L’APW avait, en fait, en mars 2005, réclamé par résolution « des sanctions exemplaires » contre BAI-Lakelak pour « détournement de sept milliards et demi de l’établissement public OPGI ».

Pour lui, l’expérience d’El-Kseur, par laquelle son bureau d’études avait « piloté » un ouvrage de l’OPGI, constituait une nouveauté exemplaire. Elle avait, selon lui, réussi à « diviser les délais de réalisation par dix tout en multipliant les intervenants par le même nombre ».

Elle aurait aussi servi de repère normatif au ministère de l’Habitat pour fixer les prix de réalisation à 14.000 DA le mètre carré et les délais de réalisation à moins de douze mois.

Cette « normalisation » aurait, selon lui, dérangé. A tel point que le chef du gouvernement de l’époque (Mokdad Sifi, NDLR) a demandé au wali de Béjaïa de dégager à Lekelak une « protection rapprochée ». « Cette expérience de M. Lakelak est une expérience dérangeante », aurait aussi déclaré Maghlaoui, alors ministre de l’Habitat, lors d’un séminaire organisé sous la houlette de Lakelak en décembre 1995.

Absent lui aussi à la barre, M. Mahfoud Benzema, co-accusé, nous a déclaré au téléphone avoir « la conscience tranquille » et avoir agi pour « le simple intérêt de l’OPGI ». Il promet d’être un peu plus disert la prochaine fois.

Les deux accusés entendent, apprend-on, interjeter appel.

Au-delà du jugement rendu hier, d’autres questions intimement liées à cette affaire méritent d’être posées. Des observateurs s’étonnent ainsi que les soupçons du ministère de l’Habitat n’aient pas été étendus à d’autres promoteurs ayant eu à contracter des marchés similaires à ceux ayant lié BAI-Lakelak à l’OPGI-Béjaïa.

Mustapha R. /M. Bessa

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