Après avoir milité des années durant au MCB accompagné toutes les luttes, sociales et culturelles dans le pays, après une fructueuse expérience dans le journalisme en tant que rédacteur en chef et un passage très remarqué en 2001 au sein du Mouvement populaire, Nasser Arbane s’est investi en 2006 dans des projets d’écriture mais surtout en homme bien décidé à rendre justice à sa région natale. “Les livres écrits sur Béjaïa se comptent sur les doigts d’une seule main, c’est curieux tout de même quand on sait l’importance qu’a joué cette région dans l’histoire du pays”, nous a-t-il déclaré amèrement. Aussi, son projet est de réparer cette injustice.
Assisté d’amis qui sont tous passé par le journalisme, il compte répondre à un besoin pressant des curieux mais aussi des indifférents à ce qui les entourent en produisant des livres qui touchent à tous les aspects de la wilaya de Béjaïa : berceau de plusieurs civilisations, région aux multiples saints et mausolée,Béjaïa reste malgré tout presque inconnue pour beaucoup de gens. Le premier pas de cette aventure de production, Arbane l’a déjà passé en publiant tout dernièrement son premier-né : “Béjaïa et sa région : le guide”. Ici, un entretien franc où il nous parle à bâtons rompus de son ambitieux projet.
La Dépêche de Kabylie : Votre guide touristique, “Béjaïa et sa région : le guide”, est sur le marché après bien des aventures. Tirez-vous quelques satisfactions ?
Nasser Arbane : Satisfaction… hem… oui ! Etant des novices dans le domaine de l’édition (reproduction, diffusion et commercialisation) et n’ayant comme seule arme que notre volonté, nous ne pensions pas parvenir en si peu de temps (une année) à mettre sur le marché un produit de si bonne qualité. Finalement, le guide réalisé peut rivaliser avec n’importe quel autre de la planète. C’est vrai qu’il y a de petites imperfections par-ci, des petites erreurs par-là, mais tout cela revient à la précipitation qui a présidé à la naissance du livre.
Evidemment, tout ce qui a amoindri la qualité de cette première édition sera sérieusement pris en charge dans l’édition 2007.
Voilà déjà quelque 4 ou 5 bonnes semaines que votre guide est sur le marché. Les réactions et les échos qui vous sont parvenus vous sont-ils favorables?
Pour qui connaît les dédales de notre monde éditorial sait que généralement ses échos et ses critiques dont vous parlez ne sont pas un baromètre fiable pour mesurer l’audience mais surtout la qualité d’un produit. La critique littéraire et les sondages littéraires ne sont pas des traditions chez nous. On produit un livre, on le jette sur les étals et on ferme le dossier : on se soucie comme de l’an quarante de son sort !
Ça, c’est notre réalité éditoriale : personne ne peut le contester. Revenons à notre guide : les critiques les plus sérieuses que nous avons reçues sont celles relatives à la frustration de certaines régions de ne pas y figurer tels El Kseur avec son haut-lieu historique, Tiklat, Ibarissen, Toudja, Ibarbachen, Ifri et j’en passe. Nos camarades de ses régions doivent savoir que des reportages sur ses régions sont prévus pour la prochaine édition (printemps 2007), comme nous prévoyons aussi d’insérer un reportage sur l’artisanat à Béjaïa et un texte sur les écrivains de la région.
En parcourant votre guide, on a le sentiment qu’il y manque quelque chose : plans détaillés, cartes urbaines, itinéraires… N’est-ce pas votre avis ?
Critique assez recevable. Oui, il a été question d’intégrer surtout une carte urbaine de la ville de Bgayet. J’ai été pour cela à l’ONCI (Institut national de la cartographie et de la télédétection) : la carte urbaine qu’il possède date de 1996 et est quasiment vierge alors que la carte routière est encore plus ancienne. Dans celle-ci, on ne trouve pas les nouveaux chemins communaux et les pistes forestières, donc beaucoup de choses restent à faire. C’est aux services compétents qu’échoit le devoir de réactualiser les cartes, qu’elles soient urbaines, routières ou autres. N’ayant trouvé rien de vraiment convaincant dans le domaine, nous avons opté pour une carte de Michelin de 1981. C’est insuffisant, certes mais c’est assez parlant.
Cela veut dire que là aussi il y aura des améliorations dans les prochaines éditions ?
Evidemment ! Et pas seulement ! Nous pensons aussi que nous n’avons pas atteint ce que nous voulions côté photos en terme de qualité. Les opérateurs du secteur touristique doivent s’impliquer, car qui ne tente rien n’a rien ! Ce genre de travail répond à une tentative de promotion économique de la région et une telle tâche nécessite la participation de tous !
Vous avez écrit dans la page de présentation que votre guide est le premier guide régional du pays : ça me laisse pantois !
C’est vrai ! Il existe des guides régionaux en Algérie mais datant de la colonisation française. Maintenant, ce qui se fait c’est plutôt des annuaires ou des monographies qui n’ont strictement rien à voir avec des guides.
Vous avez, avec votre équipe, travaillé une année pour connaître Béjaïa sous toutes ses coutures… Bref, le tourisme à Béjaïa peut-il être pris au sérieux car, mis à part le tourisme balnéaire, que peut offrir d’autre cette région ?
Le tourisme est une donnée majeure à Béjaïa pourvu qu’on s’y prête. Mais la réalité est amère : le tourisme en toute apparence est le dernier des soucis de nos responsables. Aucun domaine n’est pris sérieusement en charge. Parlons de notre tourisme balnéaire : si l’on ne propose pas aux touristes des plages propres, sécurisées, avec des infrastructures d’accueil qui ne doivent rien à envier à nos voisins du Maghreb. Comment peut-on prétendre faire le plein en période estivale surtout que chez nous cela se limite souvent à deux mois, juillet et août, alors que sous d’autres cieux c’est de mai à octobre. Idem pour le tourisme thermale. Une question se pose ici : A-t-on pris en charge les trois stations que compte la wilaya ? Un petit détour nous renseignera sur l’état lamentable de ses stations restées à l’âge de pierre. Même tableau noirci du côté du tourisme culturelle: où sont les grandes manifestations culturelles qui feront de Béjaïa un pôle d’attraction incontournable dans le domaine ? Où en est-on dans la promotion des chantiers archéologiques ? Ou en est-on dans la restauration de certains villages kabyles types ? Si de jeunes associations comme celles du village Djebla (Adekar) et de Timezrit s’entêtent encore à restaurer leurs villages pour les rendre “touristiques”, elles ne reçoivent rien en retour : pas d’aide et pas d’encouragement… Rien ! Je vous le dis. Un festival du cinéma se tient depuis quatre ans dans notre wilaya : il se déroule presque en catimini ! Pourquoi ne lui offre-t-on pas l’aide qu’il faut pour qu’il devienne un très grand moment dans la vie de notre wilaya. Ecoutez ! Béjaïa a beaucoup à offrir et les responsables doivent apporter des solutions concrètes aux problèmes que rencontre le secteur touristique, comme les chutes de tension électriques, les pénuries d’eau, les embouteillages permanents, les ordures, le foncier, l’absence d’aires de jeux, en pleine période estivale, que de se précipiter à se lancer dans des mégas projets sans que des études sérieuses ne soient faites.
Entretien réalisé par Boualem B.
