Les mots et les délires

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Né en 1973 en Kabylie, El-Mahdi Acherchour est auteur de plusieurs recueils de poésies, entre autres : L’œil de l’égaré, publié aux éditions Marssa en 1997 et Chemins des choses obscures paru aux éditions Barzahk en 2003. Ses études à Alger lui ont inspiré beaucoup d’écrits. C’est aussi l’opportunité de découvrir d’autres passionnés du monde magnifique de la lecture et de l’écriture.

L’année de l’Algérie en France le forge encore davantage et le fait découvrir à un lectorat considérable, dans le pays de Molière. El-Mahdi est l’une des plumes remarquables de la littérature algérienne actuelle, des passages sur certains plateaux de chaînes de télévisions françaises telle que la fameuse A R T, ont confirmé son talent. C’est un écrivain qui parle des choses simples de la vie. Mais parfois ces espaces négligés de notre vie peuvent s’avérer très importants. Le poète nous emporte loin très loin :

« Toutes les roues

Rapprochées en lenteur traînant par coeur le jeu du nouveau-né à long terme de l’instant s’écourte l’espoir

De percer le pneu des mystères que la poussière regonfle toute la vie

En récit

L’écrire Puis partir

À la longue renaissance

Des mots versés dans une phrase aussi longue

Que son agonie après l’achèvement de l’achèvement ».

C’est ce même poète qui s’invente des passages poétiques en prose.

« Là-haut ! Là-haut ! C’est écrit dès ton déclin retour au fond des l’absence de l’épave. Là-bas ! Là-bas! L’absence de la mer commence à se ressentir et à laver tous mes regards. Au-delà! Au delà ! C’est ton absence, debout tel un arbre planté dans un mirage pour toi et moi ; l’Absent qu’il a lui-même attendu entre toi et moi. C’est lui. Et moi (c’est toujours moi) telle une branche presque morte : il ne lui reste presque plus rien, sinon le mirage lui-même, déraciné et démesuré, vieux et nouveau, vrai et faux, toujours faux, tout cela et rien, toujours rien, moi et toi, toujours toi, absente, géante à qui doit se mesurer la constance de l’histoire. L’oiseau qui te protège, Zelgoum, dépouille l’air déjà raréfié, dépouille le chant des mourants et celui des oiseaux presque morts que nous sommes. Les ailes et les migrations sont à l’abri tels qu’en nous-mêmes, parce qu’en dessous les morts sont presque en dehors de leur fixité amène qui nous protège de notre errance et de nous-mêmes en dessous, sous un ciel occulte d’un rien nocturne. Toujours rien : voix du jour – du chapitre – qui reste, qui dit : Parce qu’en ce récit, partir… Bien au-delà de ce jour, c’est un chapitre jamais allé au livre. Jour presque arrivé, roue grinçante, gémissante à l’heure des partants… Partent les lumières telles qu’en ténèbres. Partent les trois nuages, les trois vieux. Et nuit dans le ciel, rien dans tout cela. Le tout chapitre, le tout nocturne. Le presque-rond de la lune et son poids de minuit poussent l’équilibre vers le rouleau des jours qui va s’étalant pour que sombrent le léger (le nouveau-né) et le temps tenus en haleine devant l’épine vive et inoffensive d’un arbre (jamais planté dans la réalité), poussant les parfums à devenir ce que sentir voulait dire réellement avant de gémir.

Et de partir”, écrit Acherchour dans son livre intitulé Lui, le livre. Le romancier tente de redessiner les lignes primitives des paysages kabyles. Mais souvent un délire incessant coupe l’histoire de cette fiction. Parfois on se demande même si une histoire existe dans ce roman. La poésie fait presque le tout dans les écrits d’Acherchour.

Certains critiques pensent que les textes de l’ex-enseignant sont un mélange de poésie et de délires. Une chose est sûre, son écriture mérite d’exister.

Yasmine Chérifi

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