Les confessions de Maâmar Djebbour

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L’audition, hier, au tribunal criminel près la cour de Blida de Maâmar Djebbour, actuellement animateur sportif à la radio Chaîne III, dans le cadre du procès Khalifa était à tout le moins révélatrice. Cité comme témoin, Maâmar Djebbour affirme avoir été dans le même lycée que l’ancien golden boy, à savoir celui d’El Mokrani à Alger. «En avril 2001, Moumen m’avait fait la proposition de le rejoindre pour m’occuper du sport avec un contrat de travail », relate-t-il. Mme Fatiha Brahimi, présidente du tribunal, lui demande si cela lui permettait de joindre une activité libérale au moment où il occupait le poste d’animateur de radio, rattaché à la Fonction publique. Djebbour répond qu’il ignorait la loi. Son salaire à la radio était de 28 000 DA alors qu’à El Khalifa, où il occupait le poste de directeur chargé du sport, notamment du volet sponsoring, il touchait 150 000 DA. La juge lui demande qu’elle fut sa mission dans cette direction. Le témoin : «Il s’agissait de mettre en place un cadre pour recevoir les présidents de clubs». Il soutient que presque tous les dirigeants de club défilaient dans sa direction. La magistrate l’interroge au sujet de la mission de Meziane Ighil. Il déclare que ce dernier était consultant en sport et travaillait avec lui. A la question de savoir s’il avait informé la direction de la radio au sujet de son contrat de travail à Khalifa Bank, Djebbour répond par la négative.

3 500 euros par mois, un salaire sans contrat

Mme Brahimi lui demande des explications sur son travail à KTV, une chaine de télévision crée par Moumen Khalifa dont le siège se trouvait à Paris. «En août 2002, Moumen Khalifa m’avait proposé de rejoindre la chaîne à Paris. Alors, j’avais pris une mise en disposition de la radio entre septembre et février», réplique-t-il. Et d’ajouter que son travail dans cette chaîne de télévision n’était pas régi par un contrat de travail. Il estime que Khalifa lui remettait de ses propres mains la somme de 3 500 euros en guise de mensualité. Le témoin avoue être également pris en charge dans un hôtel parisien de 4 étoiles. La juge intervient : «La journée était payée pour 600 euros en plus du chauffeur». Mme Brahimi, étonnée, lui demande : «Mais c’est quoi cette façon de payer ?» Le témoin répond qu’il attendait d’être régularisé. La magistrate constate qu’il était dans une situation irrégulière. Embarrassé, l’animateur de la Chaîne III acquiesce. Il soutient que Khalifa Moumen avait sponsorisé Nassim Sidi Saïd, pilote algérien de formule 2, ainsi que le fils du celébrissime acteur français Belmondo. Selon lui, Khalifa Moumen avait également sponsorisé un tournoi de tennis à Monte-Carlo.

Djebbour avoue, à la surprise générale, que des journalistes algériens, invités à couvrir une conférence de presse tenue en France à l’occasion de la signature de la convention de sponsoring avec l’OM, avaient reçu des enveloppes contenant chacune la somme de 5 000 FF. Il cite les noms de Yacine Bourouila et Benyoucef Ouadia, tous deux journalistes sportifs à l’Unique et Mohamed Haouchine, journaliste à Liberté. Il reconnaît que, lui aussi, avait reçu cette somme. A la présidente, il note qu’il n’avait jamais demandé l’origine de l’argent. Ce à quoi Mme Brahimi lui explique que c’était l’argent des Algériens. La juge tente de savoir quel était le travail de Djamel Guellimi à KTV. Le témoin répond que celui-ci était le directeur général de la chaîne de télévision. Bien qu’il ait été au courant de la soirée durant laquelle la télévision avait été inaugurée, Djebbour se dit être incapable de fournir les noms des artistes présents lors de cette soirée mondaine. Il rappelle que seul Guellimi peut avancer des noms. La voiture de type Yaris et le téléphone portable dont il avait bénéficié ont été remis, selon lui, au liquidateur. La juge revient sur les sponsorings. Djebbour : «On envoyait les convention dans les agences où les clubs sont domiciliés.» Mme Brahimi évoque le siège de la campagnie Antinea. Le témoin réplique que Khalifa l’avait contacté pour surveiller ses biens pendant 2 mois. La juge : «Et la Matiz ?» Djebbour : «Je l’avais demandée à Zerrouk, il me l’avait donnée.»

50 milliards de dinars, coût du sponsoring par an

Connaît-il Raghed Echamma ? Le témoin estime que cette personne était réputée être un conseiller de Moumen. Maître Meziane lui demande le montant global des opérations de sponsoring durant l’année. Djebbour avance le chiffre de 150 millions DA. L’avocat de la liquidation intervient pour donner le montant de 50 milliards DA. Et cela sans compter la convention de sponsoring de l’Olympique de Marseille. La présidente du tribunal interroge le témoin au sujet du MCA qui demandait la somme de trois milliards. Djebbour dit que c’était un peu trop élevé comme montant. Il affirme au sujet du MCA que Mohamed Messaoudi, président du club, avait fait la demande d’un sponsoring pour la somme de 10 milliards alors qu’il était en Division II. La juge : «Messaoudi dit qu’il voulait un contrat avec des clauses écrites et que vous interfériez dans la gestion du club». Djebbour : «Jamais l’un de nous n’a interféré dans la gestion des clubs». La juge lui demande si les 6 milliards du NAHD n’étaient pas une folie. L’animateur sportif note que Khalifa considérait l’équipe comme son club. Plus loin, il dit ignorer que Ighil Meziane partait demarcher les entreprises afin de les sensibiliser à placer leurs fonds dans la banque Khalifa. La juge lui demande d’où provenait l’argent. «Des dépôts des clients», rétorque -t-il.

L’Enafor a perdu 120 milliards de centimes

Le tribunal fait appel à Sahbi Daoud, directeur de l’Entreprise nationale de forage, filiale de Sonatrach, dont le siège social se trouve à Hassi Messaoud. Il est poursuivi pour corruption, abus d’influence et perception d’indus avantages. Il dit avoir fait le placement de 100 milliards de centimes à travers deux dépôts, l’un de l’ordre de 60 milliards le 20 janvier 2002 et le second d’un montant de 40 milliards de centimes déposé le 26 mars de la même année pour un taux d’intérêt de 11% dans l’agence de Cheraga. Pour couvrir son dépôt, l’accusé affirme avoir sollicité un crédit de 1 million de DA, mais qu’il n’avait reçu que 700 millions de DA pour un taux de 5.75%. Cette somme avait été versée, selon lui, au profit de la BEA auprès de laquelle laquelle l’Enafor était débitrice. S’agissant des avantages, il soutient avoir reçu une carte de gratuite (1+4) qu’il avait utilisée dans le cadre de ses déplacements professionnels entre Alger-Hassi Messaoud et un voyage au Sultanat d’Oman.

Accusé lui aussi, Sid-Ali Assila, actuellement P-DG de l’Entreprise nationale des travaux aux puits (ENTP), souligne avoir fait un dépôt de 218 millions DA en janvier 2003. Le montant en question avait fructifié avec le cumul des intérêts pour atteindre le chiffre de 132,8 milliards de centimes. Par ailleurs, il note que l’Enafor était liée à Khalifa Airways par une convention de 54 millions DA pour le transport des travailleurs de la filiale. Après lui, Redha Rehal, P-DG de la filiale holding para-petrolier de Sonatrach, est cité à la barre. Il est poursuivi pour corruption, trafic d’influence et perception d’indus avantages. Il rappelle que l’argent de la filiale était déposé auparavant à la BEA, BNA et City Bank. La présidente lui demande comment s’était passé le premier contact avec la banque Khalifa. « Début de décembre 2001, mon directeur financier m’avait contacté pour me dire que la banque Khalifa offrait des taux d’intérêt avantageux», explique-t-il avant d’ajouter qu’il avait pris la décision de son propre chef pour faire un premier placement de 300 millions DA pour un taux de 10.25% sur une période d’une année. Un second dépôt de 10 millions USD était intervenu, selon lui, au mois de juin de la même année contre un taux de 4.55%. Mme Brahimi tente de savoir s’il avait demandé à connaître la santé financière de la banque. «Elle existait depuis une année. Elle prospérait», argue-t-il. Après la décision du gel des opérations du commerce extérieur, Redha Rehal précise qu’il s’était rendu en compagnie du directeur financier à l’agence de Cheraga pour demander le remboursement par anticipation de leurs dépôts. «On nous avait rassurés», dit-il. La juge l’interroge au sujet des avantages. Il avoue avoir bénéficié d’une carte de gratuité (1+3) qu’il avait utilisée une cinquantaine de fois dans le cadre de son travail sur la ligne Alger-Hassi Messaoud et une fois vers Marseille en France en compagnie des membres de sa famille. La magistrate demande pourquoi c’était exactement au P-DG qu’on avait offert cette carte. L’inculpé réplique que c’était une pratique commerciale courante.

Hocine Lamriben

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