La Dépêche de Kabylie : Dans quel cadre situez-vous votre visite en Algérie ?
Jean-Claude Moes : Je suis en Algérie depuis une semaine pour animer une session de formation des apiculteurs sur les techniques de production de miel que j’utilise, puisqu’on s’est rendu compte, ici en Algérie, qu’on avait des problèmes pour arriver à augmenter le volume de production et compte tenu de la valeur économique très importante du kg de miel, c’est bien dommage qu’on ait autant d’énergie, autant de main-d’œuvre qui est gâchée pour rien. Donc je suis venu ici pour apporter mes éclairages, mes lumières sur les techniques que j’utilise. En ce qui me concerne, je suis peut-être dans un environnement mellifère privilégié, je tourne autour de 30 à 40kg de miel par an et par ruche. Ce qui me permet de vivre bien sûr, mais quand je vois les chiffres très bas qu’on m’annonce, j’ose espérer que si grâce à mon voyage, et à ma modeste contribution j’ai pu améliorer ne serait-ce que d’un kg supplémentaire la récolte par ruche, eh bien mon bonheur serait incommensurable. Puisque rien que sur ces quatre jours de formation, nous avons touché plus de 5 000 ruches qui étaient représentées par leurs apiculteurs qui ont assisté à cette formation.
Vous voyez tout de suite le volume marginal que cela représente
Selon vous et d’après les discussions que vous avez eues avec les apiculteurs, à quoi sont dûes les contre-performances de production de miel en Algérie ?
J’ai l’impression que c’est typiquement un problème de formation et je crois que la formation qui existe, elle est livresque et théorique. Mais en réalité, il faut étudier les méthodes fiables qui ont fait leurs preuves, développées et expérimentées par des praticiens. Et c’est ce qu’il faut donner aux apiculteurs qui peuvent les appliquer concrètement dans leurs ruches.
Pouvez-vous donner plus de détails sur la méthode Prost qui consiste à diviser les ruches puis à les réunir ?
Je crois, en ce qui me concerne que le secret pour arriver à produire de façon intensive du miel, c’est au printemps, lorsque les colonies commencent à sortir de leur léthargie hivernale c’est d’accompagner leur développement, c’est de pratiquer l’essaimage, artificiel pour éviter d’avoir à l’élevage royal en ayant bien pris le soin de sélectionner les souches qui sont conformes au standard qu’on veut, des souches qui sont en bonne santé et juste avant la miellée, de rassembler les colonies qui se sont développées de façon exponentielle les rassembler de telle manière à avoir des colonies très fortes, à avoir une armée de butineuses qui sont au service de l’apiculteur avec des jeunes reines qui vont bien passer l’hiver.
Que pensez-vous du fait que cette année par exemple les néfliers fleurissent en février au lieu de novembre et que les vignes bourgeonnent en janvier au lieu de mars, autrement dit quelle analyse faites-vous du dérèglement climatique et son incidence sur l’apiculture ?
Il y a plusieurs choses à dire, la première c’est que nous autres apiculteurs avons la chance d’élever des abeilles, et les abeilles sont les sentinelles de l’environnement, en ce sens que ce sont les premières à être sensibles aux problèmes liés à l’environnement et à en être les victimes. Mais ce qui me paraît un message et un message important est que les apiculteurs développent de façon marginale c’est que nous sommes tous, sans exception, responsables de ce qui se passe, par nos pratiques environnementales. Quand on produit en masse importante des déchets et que ces déchets sont disséminés n’importe comment et n’importe où, qu’on ne pratique pas les opérations de recyclage de réduction de la pollution que nous produisons, nous nous rendons responsables de ce dérèglement climatique. Et les apiculteurs, ce dérèglement climatique il le dit avec ses voix à lui, avec ses problèmes à lui. Il en est la victime bien sûr. Il subit les problèmes liés à l’utilisation massive et incontrôlée des pesticides et des insecticides. Il en est la victime mais quelque part si on y réfléchit bien, on est tous responsable de l’environnement.
B. M.
