l Si on dit que la plupart des artistes peintres et sculpteurs ne sont pas bavards, il n’est pas — il est clair — une règle, mais certains cas tendent à la faire imposer. Il en est un, celui de M’hamed Saïdi, ce sculpteur sur bois à Timizart d’At Jennad et membre de l’association Youcef ou Kaci.
M’hand lui suffit parfois que son ciseau à sculpteur parle et pas en vain, puisque ces œuvres prouvent vraiment son attachement à cet art et son savoir-faire qui ne laisse personne indifférent. Ayant débuté dans le dessin, M’hand troque son pinceau contre le ciseau et le couteau pour se retrouver dans la sculpture depuis le début des années 90. Cependant, il est à rappeler que c’est plutôt la nécessité avoir fait un manche pour une hachette (taqabact) qui l’a conduit à s’initier à cet art. Et le hasard a continué son œuvre. Ainsi de la nécessité à la passion, M’hand a pu répondre à une logique graduelle incontournable des choses.
L’artiste confie avoir commencé avec un bois très mou, à savoir la bruyère (akhlendj), auquel il parlait et duquel il imaginait les réponses. Et la première canne naquit avec à sa pointe un trône. Et le symbolisme faisait son nid petit à petit dans le cerveau de l’artiste jusqu’à y régner en maître, donnant ainsi naissance à plusieurs réalisations dignes des grands maîtres de cet art. Et le créateur prit soin de les baptiser l’une après l’autre : Aqbayli (le Kabyle), Tigejdit (le pilier), le Mouvement citoyen, Tidett (la vérité), Tayri (l’amour) et tant d’autres, tout en essayant de garder une touche personnelle. L’artiste reconnaît artistiquement qu’il s’est inspiré une fois de Slimane Azem. Et quand un artiste inspire l’autre, ce n’est qu’une preuve de complémentarité et d’harmonie entre eux. Par contre, il soutient qu’il est attiré par la sculpture italienne et particulièrement celles des Pharaons et celle des Indiens d’Amérique. Ceci dit, M’hand a un esprit ouvert et ne fait pas des œillères car l’art n’a pas de limites.
Et en vue de ne pas confiner son art dans son propre “atelier” de fabrication, il a exposé ses œuvres dans plusieurs endroits : à Aït Aïssa Mimoun, à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri à Béjaïa, Boumerdès, Université de Bouzaréah, pour ne citer que ceux-là.
Si l’art se dégage de ses mains, un autre art, la poésie se laisse filer dans son langage pourtant spontané. M’hand ne cherche pas ses mots quand il dit : l’histoire est abstraite ou encore “Eyyaw a nelhu akken at telhu” (soyons bons pour que la vie le soit) à son regard n’est pas du reste, il est très expressif. Je n’exagère pas en disant que tout est art en lui. Son regard et ses expressions du visage nous invitent dans son monde de rêve et de symbolisme. Sa présence sur scène du montage poétique théâtralisé en hommage à Mohia a mis du sel au spectacle. A la fin, après s’être affairé à sculpter un objet, il suffit aux deux acteurs. C’est une plume au lieu de Ibechkidhen (les fusils) auxquels ils font allusion. Et l’image ne tarit pas. En toute humilité, il estime que la meilleure œuvre qu’il aimé le plus fut la première qu’il réalisa.
En conclusion, il espère que la sculpture retrouve son épanouissement et qu’elle sortira de l’ombre qui l’étouffe. Et que l’Algérie puisse ouvrir ses portes aux artistes et à toutes les bonnes volontés. Il faut rendre les clefs à ceux qui savent ouvrir les portes, ajoute-t-il. Sans oublier de remercier Nordine Aït Slimane, qui leur a permis d’aimer Moha et découvrir son immense talent.
Salem Amrane
