Le père du surréalisme

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Si la littérature française reconnaît aux classiques, tels que Victor Hugo, Alfred de Musset, Lamartine et autre Jean de La Fontaine, d’avoir inscit leurs noms en lettres d’or sur les tablettes de la poésie universelle, elle reconnaît également aux surréalistes d’avoir osé rompre avec les normes préconçues, et souffler ainsi l’air de la modernité.

Non, nous n’allons pas jusqu’à dire que les surréalistes ont effacé d’un revers de main ce que les artisans du siècle des lumières avaient bâti non sans sacrifices et peines. Mais, ils ont tout de même montré que nulle école ou nulle trajectoire n’est éternelle ou statique en littérature tout comme en arts. Les styles peuvent être diversifiés en vue d’enrichir leur répertoire et donner ainsi le choix aux suivants de choisir chacun, celui qui lui sied le mieux, en attendant que d’autres écoles naîtront.

Le mouvement surréaliste est né en 1924. Et on ne peut parler de surréalisme sans parler de André Breton, son fondateur. Après la rupture avec le mouvement Dada en 1922, Breton, forme avec quelques amis le groupe surréaliste. Il rédige un texte qui est en fait un renfort théorique destiné au groupe lui-même ayant pour but de le soutenir dans ses activités, d’autant plus que des tensions internes sont déjà apparues dans le groupe. Breton procède ainsi à un historique de ses expériences poétiques avant de définir la notion du surréalisme. Il commence par le constat de décalage entre l’homme et la vie réelle. Il prône ensuite la reconquête de la liberté dans cet univers d’oppression et voit dans l’imagination un espoir pour l’homme écrasé.

André Breton est né le 18 février 1896 à Tinchebray, dans l’Orne. Et comme son nom l’indique, il est d’origine bretonne et lorraine. Il est d’abord élevé à Saint Brieuc par son grand-père maternel. Il a quatre ans quand sa famille s’installe à Pantin. En 1906, il entre au collège Chaptal, et à 17 ans, il suit des cours du PCN, une porte d’entrée pour les études médicales. Il publie déjà trois poèmes dont un sonnet dédié à Paul Valéry en mars 1914, dans la Phalange de Jean Royère. En 1915, mobilisé dans l’artillerie, puis versé dans le service de santé de Nantes, il entame une correspondance avec Guillaume Apolliniaire et fait une rencontre capitale avec Jacques Vaché. Affecté en 1917, au centre psychiatrique de la IIe Armée à Saint-Dizier, il s’initie à la psyhanalyse. Rappelé à Paris, il fait, auprès d’Apolinaire, la connaissance de Philippe Soupault et celle d’Aragon, tous les trois collaborent à la revue Nord-Sud animée par Pierre Reverdy.

En 1919, il publie Mont de Piété, où s’affirme sa rupture avec la poétique de Mallarmé. Au moment où il découvre fortuitement l’écriture automatique, il écrit avec Philippe Soupault Les champs magnétiques, qui paraît en 1920. Avec Aragon et Soupault, il crée la revue littérature, qui, en un temps record, passe de la recherche encore éclectique du moderne au soutien et à l’affirmation du mouvement Dada. En septembre 1921, Breton épouse Simone Kahn, et prendra quelques distances avec ce mouvemet. Dès lors, autour de “littérature Nouvelle série”, un groupe est constitué dont le Manifeste du surréalisme (1924) explicite les positions et les interrogations. A partir de là, l’histoire de Breton et celle du surréalisme se mêlent d’une façon indissoluble. Il publie à cette période Des pas perdus.

Depuis la guerre du Maroc en 1925, Breton reconnaît la nécessité d’une action politique et rejoint, deux ans plus tard, le parti communiste, dont l’exclusivisme idéologique entraîne assez vite son éloignement.

En 1929, paraît le second Manifeste du surréalisme, suivi de Ruptures et vases communicants.

Breton s’est livré, dans ce dernier, à l’analyse d’un de ses rêves et a montré comment ce rêve, émanation de ses pulsions profondes, lui indiquait une solution qu’il n’avait pu trouver, par le recours à l’activité consciente. Pour Breton, l’amour est comme le rêve, une merveille où l’homme retrouve un contact avec les forces profondes. Amoureux de l’amoureux, il dénonce la société pour avoir trop souvent fait des relations de l’homme et de la femme une malédiction, d’où serait née l’idée mystique de l’amour unique.

Pourtant, il s’élève de toutes ses forces contre l’idée que l’amour, sous l’effet du temps par exemple, soit voué à une déperdition fatale. La rencontre de l’homme et la femme reconstitue un seul bloc de lumière, dont la chair est le soleil.

Il écrit dans L’air de l’eau :

«Icebergs rayonnant des coutumes de tous les mondes à venir

Nés d’une parcelle de toi d’une parcelle inconnue qui s’envole

Ton existence le bouquet géant qui s’échappe de mes bras

Est mal liée elle creuse les murs déroule les escaliers des maisons

Elle s’effeuille dans les vitrines de la rue

Le journal est aujourd’hui de verre et ses lettres n’arrivent plus

C’est parce que le train a été mangé

La grande incision de l’émeraude qui donna naissance au feuillage

Est cicatrisée pour toujours les scieries de neige aveuglante…»

André Breton, tout comme les autres surréalistes, à l’image de Boris Vian, Jacques Prévert, Guillaume Apollinaire, Jean Tardieu et autres, se moquent de la logique. Leur poésie dépasse les limites du sensé. Elle repousse les frontières du naturel. Ceci dans le fond que dans la forme. En d’autres termes, tant dans le contenu des idées que dans les structures, André Breton comme le reste du groupe rompt avec l’obligation de la rime et de la métrique, pour fonder leur propre univers poétique bien à eux, non dépourvu d’images poétiques autres formes de rhétorique, mais plutôt riche en beauté et en idées. D’ailleurs, le surréalisme sera vite adopté par les Français et autres amateurs de la belle poésie à travers le monde.

Il écrit également dans Tournesol, poème dédié à Pierre Reverdy, et tiré du recueil Clair de lune : «Le désespoir roulait au ciel ses grands arums si beaux

Et dans le sac à main il y avait mon rêve ce flacon de sels

Que seule a respirés la marraine de Dieu

Les torpeurs se déployaient comme la buée

Au chien qui fume

Où venaient d’entrer le pour et le contre

La jeune femme ne pouvait être vue d’entre eux que mal est de biais…»

Breton a publié plusieurs recueils de poésies et essais littéraires, dont: Signe ascendant, Fata Morgana, Clair de lune, précédé de Mont de piété ; Le revolver à cheveux blancs et L’air de l’eau, préfacé d’Alain Jouffroy ; Xénophiles ; Odes à Charles Fourier ; Constellations, illustré par Joan Miro ; Le la ; Les Etats généraux. Il a également écrit avec Philippe Soupault : Les champs magnétiques, suivi de S’il vous plaît et vous m’oublierez.

Salem Amrane

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