Hormis les montants annoncés par le procureur général, inhérents aux dépenses effectuées par les accusés dans les plus luxueux hôtels de la capitale, le représentant du ministère public a poursuivi, hier, son réquisitoire à l’encontre des 104 accusés dans le procès relatif à la caisse principale d’El Khalifa Banque, où il a fait un long rappel des faits. En effet, M. Abdelli est, tout au long de la matinée d’hier, revenu sur le fonctionnement anormal d’El Khalifa Bank, en essayant de prouver l’association de malfaiteurs et de vols qualifiés. Des rappels détaillés des faits, ainsi que la manière par laquelle Moumen et consorts ont procédé à la dilapidation de l’argent des déposants, notamment les institutions de l’Etat, qui, rappelons-le, ont laissé beaucoup de plumes. D’emblée, il dira qu’après les enquêtes déligentées dans ce sens, ainsi que l’expertise et les audiences, il a été constaté que plus 1,4 milliard de DA ont été volés dans les agences d’Oran, El Harrach et Chéraga. Le PG définira ensuite les responsabilités de tout un chacun. Il dira à cet effet que Abdelhafidh Chachoua et Badredine Chachoua, ont profité de plus de 600 millions de centimes. “Avant, il était un simple retraité, et de jour en lendemain il est devenu milliardaire, et ce par l’argent de Khalifa”, a-t-il indiqué. Selon celui qui est en charge de cette affaire depuis 2003, l’accusé s’est permis d’acheter un grand appartement (duplex), à El Achour, et une villa au nom de sa femme, situé à El Biar. Celle-ci a été louée à M. Grigori Khelaifia, un expert auprès de la délégation de l’Union européenne à Alger pour un montant de… 4 200 euros par mois. “En plus, il vole l’argent des contribuables, pour s’acheter des biens immobiliers, il les loue pour son compte personnel”. Le procureur a tenu à signaler que ladite somme est transférée dans son compte, établi dans une banque étrangère, le Crédit Lyonnais. Et comme l’appétit vient en mangeant, le procureur général a fait savoir à l’assistance, qui est moins nombreuse par rapport au premier jour du réquisitoire, que Chachoua avait bénéficié d’une voiture (Golf 4ème génération). Côté juridique, ces opérations ont été validées par le même notaire, en l’occurrence Rehal. En effet, ce dernier a établi tous les contrats sans en omettre une pour les agences de Khalifa louées à travers le territoire national. Revenant sur le préjudice financier, M. Abdelli a déclaré que le même accusé a retiré une somme de 47 000 FRF et 84 millions de dinars de l’agence de Blida. Et le PG de s’interroger en s’adressant à Mme Brahimi : “De quel droit ces gens-là ont pris, ou plutôt volé cet argent ?”. Badredine Chachoua a été également enfoncé par le représentant du ministère public, qui a ajouté dans son réquisitoire que l’accusé a bénéficié de voyages à l’étranger, lui, Ahmed Mir et Faouzi Barchi, notamment d’un séjour dans la ville de Cannes.
Ighil ou le démarcheur des OPGI…
Ighil Meziane n’a pas échappé, hier, au sévère réquisitoire du procureur général. En effet, M. Abdelli a affirmé que Ighil, non seulement, il percevait un salaire de 100 000 DA illégalement et sans contrat en sa qualité de conseiller sportif de Moumen, mais il avait joué un rôle important dans le dépôt de l’argent des OPGI dans la banque Khalifa. “Ighil avait utilisé son image, sa popularité et sa célébrité pour convaincre les déposants”. Il dira qu’après le changement opéré à l’agence de Blida, où Djamel Zerrouki avait succédé à Kechad Ahmed, Moumen Khalifa avait ordonné d’aller auprès des grandes sociétés pour les convaincre de déposer leur argent. La plupart des négociations avaient été faites en présence d’Ighil. Il donne l’exemple des OPGI de Constantine et de Batna. A cet effet, les sus-cités avaient eu recours à des cartes de gratuité et des privilèges destinés aux déposants. “Qu’est-ce qu’il faisait lors des dépôts de l’argent, lui qui a la qualité de conseiller sportif ?”, s’est-il interrogé. S’agissant toujours d’Ighil, M. Abdelli a signifié, que ce dernier avait bénéficié d’un “prêt”, mais d’une façon illégale, équivalant à 1,5 milliard de centimes, et avait eu l’exclusivité d’équiper les clubs d’équipements sportifs, notamment ceux de la première division, sponsorisés par Khalifa.
Des centaines de milliards ont été dépensés uniquement dans les hôtels
La nouveauté dans la matinée d’hier étaient les chiffres annoncés par le procureur général, relatifs aux dépenses effectuées dans les plus grands hôtels de la capitale. En effet, l’hôtel Sheraton s’est classé en premier, en enregistrant un peu plus de 430 millions DA, frais des personnes ayant séjourné. Leur nombre serait, selon Abdelli, de 4 592, versé par l’agence de Chéraga. Vient ensuite l’hôtel Hilton avec 9 milliards de centimes pour 498 personnes, Mazafran avec 112 millions de centimes. “Quelles sont ces personnes ?”, a demandé Me Mokrane Aït Larbi en interrompant le PG. Ce dernier répondra qu’il s’agit des accusés ainsi que d’autres. La présidente demandera à cet effet, de ne plus interrompre le PG, car toute les parties auront droit après le réquisitoire à des interventions. L’hôtel El Djazair, a, quant à lui, enregistré 156 millions de centimes et El Riadh 590 millions de centimes. Au total, plus de 56 milliards de centimes. Pour ce qui est des cadeaux, ils se chiffrent à 15 milliards de centimes. 25 milliards de centimes le montant des couffins du Ramadhan qui a fait d’ailleurs rire l’assistance. Ce qui mérite d’être signalé, est le fait que le représentant du ministère public a mentionné, sur un ton exclamatif, que les recherches effectuées concernant les 40 voitures, immatriculées au nom des bénéficiaires ont été vaines. “Elles ont disparu !” tonne-t-il.
La colère du procureur général…
Durant son réquisitoire, le PG n’a pas caché sa colère, mais aussi son étonnement concernant les agissements de Omar Mir. En effet, M. Abdelli a accablé l’accusé d’une part, d’avoir ordonné de déposer l’argent dans toutes les agences illégalement, et d’autre part, d’avoir transféré des sommes faramineuses vers… son propre compte. Pour le procureur, il agissait comme si c’était son propre argent. “C’est anormal de voir les fonds des entreprises situés à Hassi Messaoud et à Béchar déposés dans les agences de Cheraga.” avant d’ajouter : “En plus, il s’accaparait de l’argent des autres, il avait trahi leur confiance”. Ce qui est encore plus grave, selon le PG, c’est le fait de transférer des sommes importantes vers son propre compte, alors que la liquidation de Khalifa Bank était déjà engagée. D’ailleurs, M. Abdelli a cité comme preuve les propos de Khellal, lors de son audition. “Wahiba Hamiani avait déclaré que 500 millions de centimes lui avaient été donnés par Omar Mir en espèces, et sans justificatifs”.
Pour ce qui de l’agence d’El Harrach, la personne qui a été mise en cause en premier lieu par le PG, est son directeur général Djamel Aziz. Qualifiée de “la plus dangereuse” en ce qui concerne le vol d’argent, M. Abdelli, a indiqué, hier, que Djamel Aziz avait donné des sommes importantes à plusieurs individus. Il s’agit de 2 milliards pour Abdelhafidh Chachoua, 2,2 milliards de centimes pour Krim Smail, et entre 5000 et 10 000 euros au profit de feu Messaoud Betoumi, et d’autres sommes pour Mourad Nanouche. Ces opérations ont été effectuées sur un simple … coup de téléphone. Après l’expertise, la somme globale volée est de l’ordre de 485 milliards de centimes. N’en restant pas là, le procureur général a tenu à signaler que Djamel Aziz avait installé, pour lui, avec l’argent de Khalifa, deux cliniques médicales, l’une dentaire et l’autre d’hémodialyse. “Ça, c’est ce qui apparaît. Les commissions qui n’apparaissent pas, il n’est pas possible d’en parler”, s’étonne-t-il.
Le DG de Digromed, Ahmed Yacine, n’a pas été, lui non plus, ménagé hier par le PG. Selon ce dernier, d’une part, non seulement il est DG d’une société nationale, il exerce parallèlement à Khalifa Bank, et d’autre part il avait bénéficié de 800 millions de centimes. Cette somme a été justifiée par Ahmed Yacine par le fait qu’il s’agissait de la formation de quelques personnels. Et le PG d’indiquer que “en plus, il avait crée une imprimerie avec l’argent de Khalifa”. Il avait d’ailleurs investi, selon Abdelli, dans la lutte anti-acridienne avec un associé français. Pour ce qui de l’agence d’Oran, gérée par l’accusé Hakim Guéris, le PG a signalé que plus de 7 milliards et 400 millions de centimes avaient été déboursés à plusieurs personnes, ainsi que par le MCO.
Il est à signaler que durant l’après-midi d’hier, le représentant du ministère public est passé aux inculpés en correctionnelle, autrement dit, au réquisitoire des personnes sous contrôle judiciaire. Il s’agit de Lynda Bénouis pour sa récupération d’une somme de 900 millions et surtout du conseiller juridique de Khalifa Banque, Boualem Lalouche pour non-dénonciation. En somme, durant tout le réquisitoire, le procureur n’a pas cessé de tenter de prouver l’intention malsaine de ces accusés, à leur tête Moumen Khalifa, en les qualifiant de “bande machiavélique” et de voleurs, qui avaient cherché à “s’emparer de l’argent de tout le monde, particulièrement celui des organismes publics”. Ce “vol qualifié” avait eu lieu au moment où des gens honnêtes avaient déposé leurs fonds, ainsi que des sommes colossales des institutions de l’Etat. Le PG devrait terminer aujourd’hui son réquisitoire, en définissant les peines pour chaque inculpé. Il reviendra ensuite aux avocats de la défense de démonter les accusations.
Salah Benreguia