Les enjeux du marché énergétique

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De producteur et exportateur d’énergie, le pays risque à moyen terme, du fait de choix stratégiques non débattus ou faits sous la contrainte d’institutions internationales, de devenir importateur d’énergie électrique.

Le secteur national de l’énergie vit au rythme de changements profonds induits par le nouveau cadre légal et institutionnel introduit par la promulgation de la loi n°02-01 du 5 février 2002. Loi dont les textes réglementaires d’application viennent d’être publiés dans le Journal officiel. D’autres textes demeurent attendus pour parachever le processus de libéralisation du secteur de l’énergie en Algérie.

Jusque-là, seule et unique entreprise exerçant le monopole de l’Etat sur la production, le transport et la distribution de l’électricité et le monopole sur le transport et la distribution du gaz par canalisation, Sonelgaz s’est attelée depuis la promulgation de cette loi et en application de ses dispositions organiques à se restructurer ou, faut-il le dire clairement, à se sous-dimensionner pour céder des parts considérables du marché national à des investisseurs privés nationaux et internationaux, qui, malgré les mesures incitatives prises par l’Etat, tardent à venir.

La mise en place de l’Autorité de régulation, de l’opérateur système, des gestionnaires de réseaux (électrique et gazier) et très bientôt de l’opérateur marché constituent les jalons de la libéralisation du secteur et son ouverture à la concurrence nationale et régionale. Quant au démembrement de Sonelgaz par son éclatement en plusieurs filiales, cela est la traduction dans les faits de la volonté des pouvoirs publics à se retirer progressivement du marché en réponse aux exigences de l’Organisation mondiale du commerce dont le cycle de négociations d’adhésion est en cours depuis plusieurs années.

La restructuration du réseau de transport par le développement de ses interconnexions avec les pays voisins, l’augmentation de ses capacités de transit pour réduire les possibilités de congestion et son ouverture non discriminatoire aux tiers seront bientôt lancées par le gestionnaire du réseau et l’opérateur système – d’ores et déjà opérationnel- et permettront au marché national de s’intégrer davantage dans celui de la Méditerranée.

Les dangers qui guettent le pays

Le développement et l’interconnexion du réseau national de transport conjugué à la faiblesse et au vieillissement des capacités de production installées pourront – à plus ou moins moyen terme – faire de notre pays un importateur d’électricité des pays voisins et même européens qui disposeraient d’une surcapacité de production (énergie nucléaire surtout). En l’état actuel des choses, le secteur électrique algérien n’est ni structurellement ni techniquement compétitif par rapport à ses concurrents de la région.

En intégrant le marché euro-méditerranéen avec les insuffisances que l’on sait en matières de production et en matières de compétitivité, le pays s’exposera aux dangers d’une dépendance énergétique jamais vécue par les Algériens.

D’autre part, les logiques marchandes l’emporteront sans aucun doute sur les raisons de sécurité du système, ce qui aura pour conséquences directes des accidents dans le fonctionnement du système qui provoqueront son effondrement par des black-out comme cela s’est déjà produit ces dernières années dans plusieurs pays. Les capacités des réseaux étant limitées, malgré le passage au palier des 400 kw en cours de réalisation, la forte croissance économique attendue et l’augmentation de la demande nationale dans les années à venir contribueront d’une manière ou d’une autre à amplifier les risques d’une crise énergétique majeure.

D’où la nécessité de l’intervention immédiate de l’Etat par le financement direct des investissements dans le segment du développement des moyens de production de l’électricité par de nouvelles installations et la rénovation du parc national actuel et sa modernisation.

Les limites des investissements privés

Les investisseurs privés commencent à s’intéresser au secteur de l’électricité, mais ils sont attirés beaucoup plus par la cogénération et l’autogénération pour la satisfaction de leurs besoins propres que pour la satisfaction d’une demande nationale ou régionale croissante. D’autant que la courbe nationale de charge ne plaide pas en faveur d’investissements directs étrangers, les rendants lourds et très capitalistiques à moins que l’Etat ne continue à se porter garant par l’attribution de contrats à long terme dits de Take or Pay. Ce qui compromettrait encore la compétitivité du secteur électrique national par rapport à la concurrence régionale.

Le nécessaire recours aux fonds publics

La “désintégration verticale” de Sonelgaz, opérée par la filialisation en transformant ses anciennes directions en sociétés par actions, a transformé toutes les transactions inter-filiales en faits générateurs de taxes grevant ainsi davantage les capacités d’autofinancement de Sonelgaz. Les pouvoirs publics sont invités à défiscaliser ces transactions pour permettre à Sonelgaz de lever d’autres moyens de financement de ses projets d’investissements. Mais l’implication directe de l’Etat est plus que jamais sollicitée.

En effet, le caractère stratégique du secteur, la gravités de ses enjeux et les disponibilités financières dont il dispose laissent croire que les pouvoirs publics sont en mesure de réviser la politique énergétique par davantage d’implications, surtout en cette date anniversaire de la première nationalisation des hydrocarbures. Les récentes révisions des lois relatives aux secteurs des hydrocarbures et des mines, laissent présager une possible remise en cause de certains choix opérés, sous la contrainte, dans un contexte de réajustement structurel de l’économie nationale suite au rééchelonnement de la dette extérieure.

Il ne s’agit pas que l’Etat re-nationalise le secteur, mais de retrouver ses fonctions de promoteur des investissements et de développement économique en général. Il n’y a qu’à observer les réticences françaises en dépit de son engagement européen et l’exemple de la Tunisie, de la Turquie, de l’Egypte et d’autres pays qui ont opté pour le maintien de leur système national.

Abdellaziz Djeffal

Cadre syndical, Sonelgaz

Distribution Centre,

Direction régionale de Bouira

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