A l’instar des protocoles de signature d’accords de coopération en matières de renseignement sur la lutte antiterroriste qui existent déjà, les deux pays se sont investis avec des perceptions différentes dans lesquelles chacun d’eux voyait les choses différemment. Le rapport indique les étapes ayant jalonné les négociations.
Le premier document cite la visite d’une délégation britannique conduite par le secrétaire adjoint au Home office (Intérieur) du 6 au 7 juin 2006 à Alger. Cette rencontre animée conjointement par le représentant du ministère de la Justice, Mohamed Amara, et Edwards Okdane, un représentant du Commonwealth, s’est articulée autour des textes portant sur la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, ses modalités d’application, ses dispositions, notamment, celles excluant les auteurs des attentats sur les lieux publics, les viols et les massacres collectifs. Ce, sur quoi la partie britannique avait obtenu toutes les explications requises. Ces documents classés « top secret », montrent, par ailleurs, que les correspondances entre les deux gouvernements étaient supervisées et suivies, côté britannique, par Tony Blair en personne.
La première correspondance émanant de Londres, portant sur les garanties des autorités algériennes quant à la sécurité des extradés et demandant des informations sur des antécédents de poursuites judiciaires à leur encontre, est allée jusqu’à s’interroger si les concernés seraient arrêtés et le traitement qu’on pourrait leur réserver. Les documents évoquent aussi le fait que les autorités algériennes, représentées par le ministère de la Justice, ont communiqué à leurs homologues britanniques, via la Direction générale des affaires consulaires, « direction de protection de la diaspora algérienne à l’étranger », toutes les informations sur les concernés par l’extradition. Il est mentionné le cas du dénommé A.Nabil, à propos duquel les autorités algériennes ne possédait pas d’informations suffisantes et que les britanniques leurs ont fournies. Cela a poussé les autorités de Sa Majesté
à s’interroger sur la véracité de la nationalité algérienne de l’ensemble des concernés et s’ils ne risquaient pas d’être extradés vers un pays tiers après leur transfert en Algérie.
Le document révèle, en outre, que les négociations se sont déroulées au plus haut niveau. Les correspondances ont été, en effet, effectuées entre le Président Bouteflika et son homologue Tony Blaire via les services consulaires des deux pays. Les réponses officielles de l’Algérie, mentionnant des garanties quant aux sollicitations britanniques, émanaient du ministère de la Justice. Elles concernaient notamment le « droit de communication avec les proches, une aide judiciaire, le droit à un médecin, et un traitement digne… ». Le document ajoute que si condamnation à perpétuité il y a, le condamné bénéficiera du gel de la sentence comme stipulé dans l’arrêté de 1993. Enfin si le concerné entre dans le cadre des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, celui-ci aura droit à l’appel, au cas où est prouvée sa non-implication dans les trois exceptions.
In fine, il est à noter que Michael Laden, responsable au Commonwealth, a présenté dans son rapport basé sur les données de Edwards Okdane, cité auparavant, son témoignage que le gouvernement algérien « a présenté toutes les assurances requises pour les extradés » et a conclu : « L’enquête concernant ces assurances données par l’Algérie ne reflètent pas le scepticisme des autorités britanniques au sujet des intentions du gouvernement de l’Algérie ».
Par ailleurs, il est à noter que précédemment, ces projets qui avaient butté sur le refus de l’Algérie à la demande britannique liée au contrôle judiciaire du traitement réservé aux personnes extradées, ont connu une coopération judiciaire accrue, suite, notamment, à l’impact des attentats de Londres du 7 juillet 2005, ainsi qu’à la faveur de la visite du président de la République en Grande Bretagne en juillet 2006.
Ces deux évenements ont indéniablement fait évoluer la position du gouvernement Tony Blair sur le dossier des islamistes maghrébins et ont jeté les bases d’un dialogue politique multiformes aussi fécond que régulier et qui a abouti à la ratification, hier, de l’accord d’extradition de Moumen Khalifa
Yassine Mohellebi