Malek Houd, un destin de poète

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« C’est en 1979 que j’ai commencé à écrire de la poésie, j’étais dans des conditions de solitude que seuls la plume et le papier me faisaient supporter ma douleur… ».

Malek Houd qui nous fait face dans ce café calme de cette ville de Tazmalt qui s’entête a conserver les réflexes, les attitudes et les comportements d’un village qu’elle n’est plus, observe un moment de silence, puis, il continue avec un brin de tristesse dans la voix: « L’éloignement et l’interdiction d’être soi-même dans un pays qui est le nôtre ont fait germer la poésie dans mon cœur…cette année, j’étais à la raffinerie d’Arzew comme technicien … ».

Né en 1957 à Taghallat, village du mythique héros Abderahmane Mira, Malek Houd est sans conteste le digne héritier du prince des poètes « Mohand Said Amlikeche. »

En 1980, cet homme né pour dire et écrire de beaux vers qui prolongent et prolongeront ceux de Youcef Uqasi et Sidi Qala, rentre au bercail, attiré par la nouvelle situation provoquée par l’historique printemps amazigh. Il rejoint le lycée Debbih Chérif d’Akbou, puis le lycée Hafsa de la même ville, comme enseignant de physique. En 1983, il fut écarté de son travail suite à un rapport de sa direction pour « activisme pour tamazight ».

Ses difficultés professionnelles, sa maladie chronique dont il souffre depuis 1986, au lieu de l’éloigner de sa passion pour la belle parole, de réduire sa volonté de participer activement à la revitalisation de sa langue, sont devenues des sources d’inspiration et un réservoir inépuisable de sentiments, d’idées et d’images qui ont enrichi son répertoire. Après une année de chômage, Malek Houd est recruté au complexe de velours d’Akbou.

Avec la création de la revue Rivages par l’association du centre culturel de Tazmalt dont il était le trésorier, Malek s’affirme comme un poète de valeur. Dans son quatrième numéro, Rivages ouvre ses pages centrales à la poésie de Malek. Ce fut, la naissance de la partie amazigh intitulée : Asqif n Tmana en hommage au mythique Si Mohand U M hand.

« Me concernant, la poésie n’est pas un don du ciel, ce sont les circonstances de la vie qui ont fait de moi un poète, contrairement à Si Mohend que l’ange de la paroles a choisi…”

A la clôture de la première édition des « Poésiades de Bejaia » en 1989, et lors de la remise des prix des concours de poésie, Malek Houd est désigné lauréat de la poésie en langue amazigh. Une consécration méritée, légitime, à la hauteur de l’homme et de son combat. En 1990, Malek obtient le même prix, avant d’intégrer en 1991, le jury de langue amazigh.

« L’intégration de tamazight dans le système d’éducation en 1995, était un moment capital dans ma vie : j’ai pu enfin réaliser mon rêve, celui d’enseigner tamazight à l’école. » En cette année 1995, il quitte le complexe de velours d’Akbou pour intégrer l’enseignement et faire partie de la première promotion des enseignants de tamazight, baptisée à juste titre : « Mouloud Mammeri ». « J’enseigne et j’apprends, cette situation est magnifique, elle est passionnante à plus d’un titre » En parlant de l’enseignement de tamazight, Malek n’hésite pas à exprimer son admiration et son respect pour ses amis et collègues Mohamed Bellil et Djamal Arezki, inspecteurs de langue amazigh. Comme lui, Bellil et Arezki sont des rescapés de Rivages.

Avec le lancement de BRTV en janvier 2000, notre poète a trouvé en cette chaîne un moyen pour faire connaître son travail et une occasion pour se faire entendre. D’ailleurs, le générique de l’émission poétique conçue et présentée par Mohand Taferka, intitulée: Tamedyazt war tilas « Poésie sans frontières », porte tout simplement un poème de Malek : Tamehrazt. Ce privilège est une récompense pour sa forte participation à la réussite de cette émission avec une centaine de poèmes au contenu toujours très apprécié par les nombreux téléspectateurs. Au sujet de Tamehrazt, Malek sourit : « Elle est matérialisée par un mortier en bois, que nous avons décoré, mon ami Djamal Iggui et moi-même, aux couleurs de la BRTV où le jaune symbole de la liberté, accapare la plus grande place ».

A) – Ouvrages édités :

1- Tamachaut n wedrar aberkan

Tamachahut n wedrar aberkan est sans doute l’un des plus célèbres contes amazigh de Kabylie. Illustré par Lbachir Berkani, corrigé par Mohamed Bellil, ce conte a été publié par Malek Houd chez Baghdadi-Edition, avec l’aide de l’association des Imazighen de Belgique.

A la question du risque que comporte le fait de transcrire un conte autrement que dans sa version authentique, étant donné que Malek a incorporé des néologismes, celui-ci admet qu’il y’a effectivement une possibilité de porter atteinte à « Tamachahut », mais il pense que le fait de l’actualiser est en mesure de l’aider à traverser d’autres siècles. La discussion se focalise sur le conte, et d’une ’idée à une autre, nous sommes arrivés à souligner la nécessité vitale de la création d’un « Centre de collecte du patrimoine national ». Car, à l’heure actuelle, il n’existe aucun fichier disponible et fiable sur les contes rassemblés, les techniques de leurs collectes et d’écritures, leurs différences d’une région à une autre du pays.

Au niveau technique, et comme beaucoup de publication en tamazight, Adrar aberkan présente malheureusement beaucoup d’insuffisances.

2- « Assirem yesaramen »

C’est un recueil de poésie qui est paru à compte d’auteur. Il est construit sur un ensemble de thèmes que l’auteur a voulu complémentaires et significatifs de la richesse de sa thématique qui va de l’amour à l’identité, du social à la science, de la révolution au printemps citoyen.

Une poésie forte, bien structurée, avec une métaphore nouvelle, une sincérité éclatante, et une âme qui rappelle toujours ce parfum de la vérité, une vérité que Malek vit dans la douleur et l’adversité d’une histoire qui tarde à se ressaisir.

B) Ouvrages à paraître.

A côté des publications disponibles sur le marché, Malek Houd qui ne cesse de travailler dans l’espoir d’apporter sa contribution à l’édifice littéraire amazigh, a beaucoup d’ouvrages en attentes. Parmi ces produits qui patientent dans ses terroirs et qui espèrent voir le jour et enrichir la bibliothèque amazigh qui en a tant besoin, nous citerons :

– 1) La traduction en tamazight du long poème de Smail At Djaafar intitulé : « Complainte des mendiants de la casbah et de la petite Yasmina tuée par son père ».

– 2) Un long poème de 1007 vers qui raconte les années les plus sanglantes du terrorisme situées entre 1993 et 1994 et que l’auteur à dédie à feu Tahar Djaout. Ce poème du style des « Mouaâlaqat » s’intitule : D tarzagant am yilili « Elle est aussi amère que le laurier rose » – à comprendre la vie bien sûr.

A ceci, il faut ajouter un grand nombre de contes et de textes divers qui méritent de se retrouver entre les mains des lecteurs qui doivent – et c’est là le souhait le plus cher de Malek Houd – se mettre et se remettre à la lecture en tamazight.

En quittant Malek, tenu par le respect strict de son traitement médical, nous rencontrons un jeune enseignant qui nous invite à prendre un café. Durant la discussion ayant portée sur le poète, celui-ci n’a pas trouvé mieux à dire que d’affirmer : « Par sa simplicité, par son sérieux exemplaire, par sa conviction profonde en ce qu’il fait, il est la preuve vivante que tamazight est portée par des hommes de valeur et que l’aboutissement de l’effort de sa revitalisation n’est que certain.. »

Certainement, la lumière jaillira des profondeurs de cette Algérie tant offensée par les siècles et la négligence de ces fils. Une nouvelle race d’hommes et de femmes, porteuse d’un amour sans limiter les défis et les combats, placera ce beau pays sous la douce chaleur du soleil.

Il est temps.

Brahim Tazaghart

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