La “salle des fêtes — Sahnoun” située à Djemaâ Saharidj grouille d’un monde auquel sa vocation première ne l’a pas habituée. Les chaises, les bancs et les fauteuils sont occupés. Pratiquement toutes les places sont prises. Les uns ont dû se faire accompagner, d’autres sont venus tous seuls. Ce sont les handicapés de la commune de Mekla, conviés par leur association – Espoir à commémorer la “Journée des handicapés”, à leur manière, sans aucune officialité, dans la simplicité la plus nue, juste soutenus par la communauté, les personnalités locales, les individus anonymes, les comités de village, les associations caritatives. Le propriétaire des lieux, philanthrope connu et reconnu, a apporté sa “petite contribution” (comme il le dit lui-même) en mettant à leur disposition cette grande salle avec toutes ces commodités et en offrant le repas de midi à tous. lls sont tous là, travaillant dans une étroite collaboration, des autorités communales représentées par les membres de l’exécutif aux responsables locaux, les badges distinguant les membres de l’Association des handicapés — organisatrice — des membres du Croissant-Rouge local — concourant à la réussite de cette fête.
Tout le monde a tenu à prendre la parole. Chacun a eu la possibilité de le faire, mais particulièrement, le président de l’Association M. Gana Hocine, militant actif de la cause des handicapés enfoncé dans sa chaise roulante, ainsi que la secrétaire générale, D. Zohra, dont le militantisme ne peut être mis en doute en dépit de son handicap, elle, toujours souriante et claudicant à travers les sièges et les bureaux, dont les responsabilités professionnelles à la mairie de Mekla au service social, ont permis que les handicapés soient tous recensés. Car, et elle n’a pas manqué de la rappeler, comme l’ont précisé tous les intervenants : “Etre handicapé n’est pas une tare, c’est une réalité qu’il faut vivre en l’assurant pleinement ! Moi, je me sens bien dans ma peau !”
Le sénateur Semoudi Med Akli a rappelé que la mairie a toujours activé pour améliorer la situation des handicapés. D’ailleurs, maintenant que l’Association est agréée, elle vient de bénéficier d’un local assez spacieux et aménagé au siège de la mairie de Mekla. Les concernés sont appelés à se rapprocher de ce siège pour se faire connaître et surtout pour que les citoyens dont un parent serait handicapé s’assument en le déclarant à l’Association. “Il ne faut pas avoir honte que son fils ou sa fille soient handicapés. Nous n’avons pas le droit d’interférer avec l’action de Dieu ! Assumons-nous !”.
Une information de dernière minute est parvenue par le biais d’un télex transmis par la DAS au maire de Mekla, l’informant que les services de la wilaya viennent d’attribuer un lot de matériel orthopédique mis à la disposition de l’Association (par le biais de la daïra) qui se devra de le distribuer aux concernés. Cela va de la chaise roulante — avec moteur ou simple — aux lunettes et chaussures orthopédiques. “Cela est bien beau, mais cela ne suffit pas ! En plus, l’Association officiellement agréée, dira le président, aurait aimé qu’on lui remette directement ce lot, sans passer par les services de daïra — dont aucun représentant n’a daigné répondre à notre invitation, ni procéder à sa distribution aujourd’hui même, en cette occasion ! Cela aurait été une opothéose pour notre action et cela nous aurait encouragé ! Nous estimons que cela n’est pas suffisant par rapport aux demandes que nous avons déposées”. “Nous, à l’Association des handicapés de Mekla, connaissons parfaitement nos dossiers. Nous avons effectué un recensement global et nous avons les chiffres”. Ces chiffres sont clairs. Le recensement effectué donne des chiffres qui font peur mais qui redonnent espoir. L’Association a recensé 143 handicapés moteur 480 handicapés mentaux, 25 sourds-muets, 10 grabataires et 18 aveugles. A tous ceux-là, l’Association entend apporter son aide et son appui. Les philanthrope ne manquent pas et les dons affluent, symboliques ou substantiels, mais toujours anonymes et désintéressés. Et même de l’étranger, puisque l’Association des émigrés de Djemaâ Saharidj vient de promettre sa contribution par la bouche de son représentant, tandis qu’un employeur, présent sur les lieux, activant dans la gravure sur bois, a proposé la création, à ses frais, d’une mini-entreprise qui emploierait les handicapés qui en feront la demande, à concurrence de quinze. La jeune Malika Azmalt de l’Association de Maouia a su émouvoir la salle par son poème composé “Pour eux et pour elles”. “Elle était là, depuis le début, présentant “l’œuvre de son Association”, des cadres et des broderies richement décorés. Il faut dire que Malika est infatigable : elle est de toutes les expositions et son sourire est éternellement figé sur ses lèvres. Elle a toujours le mot pour décrire l’œuvre qu’elle présente.
Le moment attendu arrive et les cadeaux préparés pour certains handicapés sont remis à chacun. Il a bien fallu se déplacer parmi les bancs pour les remettre. Quand Hocine a été appelé à remettre lui-même le cadeau, il a eu ce mot pince-sans-rire “Toi, Ayaâzoul, on t’a eu, c’est à toi de venir chercher ton cadeau !”. “Ayaâzoul”, ce mot adopté par tous les membres de l’Association, ce mot simple et limpide qui signifie “mon trésor”, car pour Hocine, ce sont tous — et sans discrimination aucune — des “iaâzoulen”, un pluriel large et profond comme le cœur des membres de cette association.
A noter qu’après la pause-déjeuner, il est prévu un gala avec disc-jokey, toujours dans la même salle où “Miss Algérie” a tenu à faire son apparition pour une intervention qui a réchauffé les cœurs. “Nous n’avons pas eu les cadeaux, mais nous avons eu “le cadeau””, a résumé un handicapé tout rayonnant de plaisir.
Sofiane Mecherri
