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L’éléphant, la porcelaine et le revanchard

Par Slimane Laouari

Pour avoir été un jospiniste pur et dur, Claude Allègre, piètre politicien et brillant scientifique, ne doit pas savoir si ses propos au vitriol contre Ségolène Royal la desserviront ou au contraire renforceront l’image qu’elle a, depuis qu’elle s’est lancée à l’assaut de l’Elysée, toujours voulu donner d’elle-même. Celle d’une femme décidée à donner un coup de pied dans la fourmilière de l’inertie socialiste.Dans ses  » 10 + 1 questions « , l’ancien ministre de l’éducation dont ont dit qu’il a été, quand il était en poste,  » aussi populaire que la grippe aviaire « , n’a pas été tendre avec la candidate de son camp :  » Ségolène Royal n’a pas de pensée politique construite, mais de petites idées pratiques et de petites solutions aux petits problèmes des gens « . Et si la candidate socialiste n’espérait pas tant de la part d’un homme qui incarne l’immobilisme de gauche, alors qu’elle fait précisément tout pour rester dans ce créneau des petites solutions qui a plutôt bien marché jusque-là ? Eric Besson, qui vient de publier un livre – réplique intitulé  » Qui connaît Madame Royal ? « , en réponse à la déclaration de cette dernière après  » qui connaît Eric Besson ? « , partage avec Claude Allègre la haute idée de Royal sans être tout à fait dans la même posture que lui. D’abord parce qu’il fait l’unanimité sur ses compétences, ensuite parce qu’il a le courage d’aller au bout de ses opinions. Il a commencé par claquer la porte de la direction de campagne de Ségolène Royal dont il a été Monsieur chiffres, puis celle du PS où il occupait le poste stratègique de secrétaire national à l’économie, et termine par un livre dans lequel il ne mènage ni son parti, ni celle chargée d’incarner ses couleurs, pour qui, il ne votera pas sauf, dans le cas d’un tête-à-tête, invraisemblable, avec Jean Marie Le Pen. Et il n’y va pas avec le dos de la cuiller, Besson :  » Ce que construit Ségolène Royal dans cette campagne est mensonger et dangereux pour la gauche et pour la France ». Les deux attaques contre la candidate socialiste et les deux hommes qui en sont l’émanation sont tellement différents et leurs conséquences inégales que Ségolène Royal a eu deux stratégies de riposte. Avec Claude Allègre et tout ce qu’il représente, elle (ré) affirme sa différence sur des sujets aussi polémiques que les trente-cinq heures en mettant beaucoup d’eau dans le vin socialiste et pour cause, c’est sur ce terrain que Nicolas Sarkozy est en train de réaliser un franc succès avec son désormais célèbre  » permettre aux Français de travailler plus pour gagner plus « . Mais elle va plus loin, avec une fleur qu’elle compte lancer à son plus sérieux rival pour lui revenir :  » Il y a des choses qui marchent bien que je ne compte pas changer ». Ce ne doit sûrement pas être pour ces cocessions faites à l’ennemi intime que Jacques Delors, sommité respectable et respectée du PS, a trouvé  » des trésors dans la campagne de ségolène Royal « . S’il est difficile d’évaluer ce que cela peut apporter à la présidente de la région de Poitou-Charente, il reste qu’elle en avait grandement besoin en ces temps où même Lionel Jospin, l’homme par qui la plus retentissante des déroutes socialistes est arrivée, lui apporte un soutien presque honteux en décidant entre autres de ne faire aucune action publique en sa compagnie. C’est à François Bayrou, le candidat qui dérange de plus en plus les certitudes des deux grands, d’en prendre plein la figure du généreux retour d’ascenseur de Ségolène Royal envers Jacques Delors. Interrogé su le profil de son chef de gouvernement s’il arrivait à se faire élire à la présidence, le candidat du centre avait répondu qu’il  » cherchait un Jacques Delors plus jeune « . La réplique de Ségolène Royal n’a pas tardé parce qu’elle ne pouvait mieux tomber :  » Jacques Delors a de l’énergie à en revendre, surtout à … Bayrou qui n’est pas un exemple de vitalité « . D’une grande vulnérabilité sur les questions de fond, Ségolène Royal semble pour le moment réussir à placer sa campagne là ou elle le souhaitait. Ce qui fait d’elle une adversaire redoutable.Pour la droite qui aurait sûrement souhaité un éléphant du PS, pour l’appareil socialiste qui n’a, quoi qu’on dise, pas encore digéré le  » triomphe politique d’un top model  » pour le centre qui la voit grignoter dans leur périmétre de prédilection et pour l’extrême gauche pour qui elle n’a pas eu un seul regard. Et plus elle a d’ennemis, plus Ségolène semble s’amuser. Cela ne la ménera pas forcément à l’Elysée, mais sa candidature n’aura laissé personne indifférent.

S.L

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