L’art est venu dans la vie de Nouara Adjtoutah, 43 ans, du village Takorabt d’Ighil Ali comme une bouée de sauvetage. Ses «Isefra» écrits en Tifinagh dans un cahier qu’elle garde jalousement est un témoin du parcours d’une combattante, d’une handicapée qui refuse de renouer avec la vie et à l’espoir. “Le choix d’écrire mes poèmes en caractère tifinagh est pour moi une sorte de revanche sur l’histoire, car je fais partie d’une génération pour qui cet alphabet symbolisait le combat pour la réhabilitation de notre identité”, dit-elle. Nouara n’est autre que la digne fille du mufti d’Ighil Ali qui était une sorte de juge du village, d’“Amusnaw” à qui l’on faisait appel pour régler des conflits et asseoir la justice. Dans sa poésie, cette femme, épileptique à 100%, depuis qu’elle était bébé, évoque les problèmes existentiels, la disparition de son père, l’handicapé, l’identité spoliée, etc. Nouara n’est pas uniquement poétesse, mais Dieu l’a dotée de plusieurs dons, dont la peinture sur soie, le dessin, la broderie etc. L’art, c’est devenu son modus vivendi si bien qu’elle ne peut exécuter une tâche sans une touche artistique propre à elle. Elle a participé à plusieurs expositions et à chaque fois qu’on ouvre une petite fenêtre pour lui permettre de s’exprimer, c’est un baume au cœur pour elle. Elle est sous traitement à vie, son seul espoir est de voir ses œuvres poétiques publiées, mais elle butte toujours sur le problème de moyens financiers. “Nous, les handicapés, sommes oubliés par les autorités, nous souhaitons une assistance, ne serait-ce qu’avec des encouragements verbaux”, dit-elle.
K. Kherbouche