Abus de position

Partager

A l’annonce de la composition des listes électorales des partis politiques lancés à l’assaut de l’APN, de nombreux analystes ont conclu à un fait inédit et pas des moindres. Plus de la moitié composant de l’actuel gouvernement a été retenue ou choisie pour défendre les couleurs de leurs partis respectifs. Dix-neuf ministres sur les trente-neuf se trouvent têtes de listes dans différentes wilayas du pays, dont 15 sont issus du FLN, 2 du RND et autant du MSP. Convaincus qu’ils ne seront pas retenus surtout pour la plupart au futur gouvernement qui sera installé après les législatives, ces ministres voient dans la candidature à la députation un creuset pour préserver leurs carrière politique. Jusque-là, guère de problème puisque le ministre a autant de droits qu’un autre candidat partisan d’un parti politique. Les interrogations somme toutes légitimes que se pose, toutefois, le commun des mortels concernent notamment de savoir si ces ministres candidats ont le droit ou pas d’utiliser les moyens de l’Etat pour subventionner leurs campagnes électorales. En l’absence de textes réglementaires codifiant le comportement des candidats aux postes de responsabilités durant les joutes électorales, il n’est pas à écarter que ces candidats pas comme les autres, de part leur statut de hauts responsables, vont user et abuser, à souhait des biens du contribuable pour se procurer un siège confortable à l’hémycicle Zighoud Youcef. Autre interrogation est de savoir quelle attitude présenteront les médias du secteur public, notamment la télévision et la radio nationales, envers ces ministres pour couvrir leurs campagnes, elles, qui n’ont pas lésiné sur les moyens, dans la couverture de l’activité gouvernementale des mêmes ministres à l’occasion de leurs périples à travers le territoire national. La télévision qualifiée par le génie populaire de « l’Unique » sera-t-elle en mesure de traiter sur le même pied d’égalité un ministre- candidat et un autre simple citoyen lui aussi candidat dans la campagne électorale ? Rien n’est moins sûr, puisque celle-ci nous a habitués à des couvertures médiatiques des plus cocasses. Sur un autre registre, ces ministres candidats devraient se délester, comme l’indique le bons sens et la déontologie politique, de leurs activités gouvernementales, sinon de rendre leur tablier et se consacrer exclusivement à la course électorale. Au contraire, aucun ministre des trois partis de l’Alliance gouvernementale ne s’est déclaré out du cabinet de Belkhadem. Tout semble indiquer qu’ils vont profiter encore des bienfaits de tels postes pour des fins électoralistes. Le ton a été donné d’ailleurs par le ministre des Postes et Télécommunications, Boudjemaâ Haichour, qui était le,week-end dernier, dans la wilaya de Mila, où il a visité la zaouia locale et distribué un équipement informatique. Contacté par nos soins, Me Mokrane Ait Larbi, éminent juriste et ancien sénateur a estimé que rien n’empêche du point de vue du droit qu’un ministre de la République ne se porter candidat. Toutefois, il considère comme une « confusion » le fait que celui-ci utilise les moyens de l’Etat pour des fins partisanes. D’après lui, le problème se pose en termes de « morale et d’éthique », selon laquelle les ministres candidats devraient ne pas user de la logistique étatique. Face au déficit de la morale politique de nos gouvernants, certains observateurs avisés voient dans l’intervention du président de la République, sous forme d’instruction ou de rappel à l’ordre, une nécessité absolue pour mettre les choses au clair. Il y va de la crédibilité des prochaines élections sur lesquelles pèsent déjà des soupçons de fraude comme avancés par certains partis politiques.

Hocine Lamriben

Partager