La colline oubliée

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Distante de 32 km de la daïra d’Azazga, Zekri qui, faut-il le dire, loin du vacarme des grandes villes et en marge du progrès n’a bénéficié depuis belle lurette que de maigres projets. Le territoire de la commune est traversé par deux chemins de wilaya, respectivement CW8 qui la traverse sur 15 km dont le revêtement est dans un délabrement très avancé et le CW 159 qui se trouve à l’intérieur de ladite commune sur une longueur de 21 km dont 14 km revêtus mais présentent de nombreuses crevasses. Le reste soit 7 km, sont sous forme de pistes défectueuses et impraticables. «L’état du réseau routier de ce bourg est la question de toute la chaussée», selon un transporteur. Signalons par ailleurs que l’absence des voies de communication permet à cette commune de s’engouffrer de plus en plus dans les abysses de dénuement. En effet, mis à part quelques fourgons de voyageurs desservant vers Yakouren et Azazga, le transport fait grandement défaut. Une fois arrivés au chef-lieu, notre attention fut attirée par un spectacle fait de tant de misère et d’indigence : une bâtisse servant de siège d’APC, un café maure où de vieux retraités passent leur temps à rouler les dominos, un centre de soins qui, de par son exiguïté fonctionne depuis longtemps sans médecin. Sauf que la présence de deux infirmiers soulage les patients avec des moyens dérisoires car les manques de tout genre sont désormais légendes dans cette infrastructure sanitaire. Sachant que pour la commune, un seul médecin privé est en service, sinon auparavant les malades devaient se déplacer jusqu’à l’hôpital d’Azazga pour se faire soigner et acheter les médicaments qui leur étaient prescrits. Car la pharmacie ô combien indispensable, demeure inexistante dans la région «le traitement des petits bobos on l’achète, ne vous étonnez pas, chez un commerçant de la région», nous a déclaré un citoyen qu’on a rencontré sur les lieux. Ajoutant à tout cela, la commune accuse un déficit énorme en matière d’activités économiques en l’absence de projets d’investissements qui s’explique par le manque d’infrastructures de base permettant une accessibilité adéquate avec les communes adjacentes ‘Yakouren, Azeffoun, Adekar). Notons aussi que l’agriculture exercée par les riverains demeure vivrière et non conséquente. Ce qui a entraîné une forte migration particulièrement des jeunes vers les grandes villes : Alger, Tizi Ouzou, Oran, afin de quérir du boulot. Le taux de chômage a atteint un seuil alarmant dans cette localité, 90% de la population en âge de travailler, souffre du problème du désœuvrement. Hormis pour quelques-uns qui ont la veine d’être recruté dans le cadre du filet social soit 65 jeunes qui travaillent dans ce cadre au niveau des secteurs publics, à savoir l’entretien des voiries, des établissements scolaires, Poste. Ainsi, ils sont rémunérés à 3 000 DA. Un salaire insignifiant même s’ils fournissent des efforts considérables et font le travail de titulaires. Voyant leur avenir s’assombrir dans un décor de désolation où règne l’indigence «cela fait 10 ans que je travaille dans ce cadre, j’attends avec impatience un poste budgétaire pour me stabiliser professionnellement», selon un père de famille visiblement affligé les yeux embués de larmes. En matière d’infrastructures scolaires, le manque est flagrant. Sur les 32 patelins que compte la commune, seuls 3, en l’occurrence Tabouda, Talbent et Tabarourt disposent d’une école primaire en plus d’un CEM sis au chef-lieu. Fort heureusement, l’APC est dotée de 2 camions aménagés et 1 mini bus destinés, insuffisamment au ramassage scolaire. les professeurs qui y enseignent se trouvent dans l’obligation à défaut de logement de fonction, de faire la navette chaque jour bravant tous les risques qu’endure la région. Pis, nombreux sont les enseignants vacataires qui n’ont pas touché leur salaire depuis plus de deux ans, de ce fait, ils nous ont corroborés «nous sommes inertes, sans sou et nous sommes en train de dépenser la dernière goutte de sang. Pire que le capitalisme décrit par Marx». En matière d’assainissement, Zekri connaît une situation précaire qui se justifie par la carence de programmes de viabilisation car les habitations étant construites d’une manière éparse, d’où la difficulté de raccorder au réseau collectif. Cependant, le problème d’insécurité reste le plus pressant pour la région. Pour rappel, cette dernière de par son isolement et la particularité de ses massifs forestiers, est le fief des groupes terroristes qui ont fait de ce bourg une colline lugubre qui n’y encourage aucun investissement. Tous les habitants des villages : Thala Iboudaden, Bounaâmane, Amalou sont dépourvus d’électricité depuis l’indépendance. Et ceux des bourgades, Thala Mala, Agouni Aïssa, Ighil Makhief ont abandonné leurs maisons. Des hectares de forêts embrasés et ravagés par les incendies, dont la plupart des maison y jouxtant ont fait état. Dès lors, les villageois se sont trouvés dans l’obligation d’occuper illégalement et de squatter les logements sociaux réalisés par l’OPGI au chef-lieu dans l’espérance d’une hypothétique régularisation. «Nous ne pourrons jamais y retourner. C’est une force extrême qui nous a poussés à quitter nos domiciles», c’est terriblement ce que le terrorisme fait dire. La commune de Zekri faut-il le signaler, est dépourvue de réseau téléphonique. Un moyen de communication, on ne peut plus indispensable, mis à part les services publics et administratifs. Outre que les gens sont privés de journaux auxquels s’ajoute l’inexistence des infrastructures culturelles (maison de jeunes aire je jeux, centre culturel, salles omnisports). En définitive, tout est pitoyable et incommode à Zekri et le destin n’a malheureusement pas épargné ces jeunes enterrés avant que la camarde les emporte.

Rabah Karèche

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