L’histoire du pluralisme politique algérien nous a réservé aussi bien des déceptions et des frustrations, à la mesure des espoirs issus des évènements d’octobre 1988, que des enseignements dus aux avatars des efforts de redressement national déployés depuis cette date. Rares sont les pays dont la roue de l’infortune a pris une telle vitesse qui, plus est, dans un moment où dans la plupart des pays du monde de nouvelles reconfigurations se dessinent pour s’adapter au mouvement de la mondialisation qui ne pardonnera jamais aux faibles leur faiblesses et qui ne priera pas les forts de s’apitoyer sur le sort des autres.
Des enseignements, les Algériens en ont eu et à profusion. Depuis la montée des périls islamistes au début des années 1990 dans un environnement politique au pluralisme débridé et la cessation de payement qui menaçait notre trésorerie-ce qui a valu rééchelonnement et Plan d’ajustement structurel pour l’économie nationale- jusqu’aux derniers attentats du 11 avril à Alger, une forme de décantation se met insensiblement en œuvre aussi bien dans le secteur économique que dans le champ politique national. Il apparaît maintenant au grand jour que la manne pétrolière engrangée depuis cinq ans ne peut, à elle seule, constituer une politique économique. Elle peut pourtant servir à donner au pays les grandes infrastructures par le truchement de projets structurants capables, à terme, d’encourager les investissements nationaux et étrangers. Cela est en train de se faire avec les limites imposées par la dégradation de l’encadrement national et par l’impréparation des entreprises nationales de réalisation. Mais les grands efforts de réformes sont à peine ébauchés. On ne pourra jamais attirer les investisseurs étrangers avec un système bancaire obsolète, une bureaucratie qui profondément nidifié dans nos administrations et situation figée du foncier. Le diagnostic est fait depuis longtemps. La prise en charge réelle de tous ces volets a besoin d’une volonté politique à toute épreuve. Justement, le champ politique national, dans sa configuration connue jusqu’à présent, n’est pas du tout fait pour éperonner la stratégie de réformes criée sur tous les toits par les hautes autorités du pays, à commencer par le président de la République.
Au niveau de l’Alliance présidentielle, ses membres tournent dans le vide. À un certain moment, le pôle islamo-conservateur a pris le dessus et a essayé d’assouplir selon ses propres desiderata et fantasmes les termes de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Il en fait une lecture tronquée et spécieuse pour câliner les franges les plus extrémistes exclues de l’activité politique par ladite Charte.
Les derniers attentats d’Alger montrent, encore une fois, que l’on ne peut pas tergiverser ou louvoyer avec cette mouvance qui a juré la perte de l’Algérie républicaine et novembriste. En désertant le terrain, certains démocrates ne mesurent probablement pas le poids de la responsabilité historique qui pèse sur l’élite éclairée de ce pays. Les marches populaires de mardi dernier devraient les rappeler à leur devoir. Mais, ce silence assourdissant ne pouvait pas prolonger éternellement et impunément la vacuité des lieux.
C’est à ce titre que l’on peut apprécier la nouvelle initiative républicaine qui, se basant sur la convergence des valeurs de la République et de la démocratie, tente de tracer le chemin pour une alternative autre qu’islamiste ou conservatrice. Décidés à affronter ensemble l’épreuve des élections législatives du 17 mai, l’ANR, l’UDR et l’aile de Ali Hocine du MDS montrent le chemin de ce qui aurait dû être la philosophie des partis démocrates depuis les années 1990. Mieux vaut tard que jamais ; les dernières évolutions du climat sécuritaire et les vieilles revendications démocratiques toujours pendantes devant l’histoire tourmentée du pays ne peuvent se passer de ce genre de regroupement.
Amar Naït Messaoud