Un arrêté interministériel fixe l’organisation et les missions

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Faisant partie des institutions chargées de promouvoir la culture et la langue berbères, ce Centre est considéré comme un acquis important permettant d’impulser la dynamique de l’enseignement et de la recherche dans le domaine de tamazight. L’intérêt d’une telle institution n’est plus à démontrer surtout lorsqu’on sait que des recherches informelles, parfois bénévoles et d’autres fois prises en charges par le Haut-Commissariat à l’amazighité (HCA), sont régulièrement menées à travers des journées d’études, des séminaires ou autres réunions, sans pour autant que les recommandations qui en sont issues aient un caractère exécutoire ou de directive obligatoire. Depuis les premières actions relevant de la volonté individuelle des personnes concernées, souvent conduites dans la clandestinité- l’Académie berbère fondée par Bessaoud Mohand Arab à la fin des années 1960, cours de tamazight de Mammeri à l’université d’Alger interdit à partir de 1974 et d’autres initiatives souvent anonymes-, aucune institution légale et autonome, même après l’introduction de tamazight à l’université et à l’école, n’a été mise sur pied pour rassembler la masse d’informations sur les recherches antérieures, les confronter entre elles et en dégager, avec l’esprit scientifique que requiert l’entreprise, une pédagogie et une didactique capable de faire le consensus entre tous les acteurs et surtout susceptibles de s’imposer d’une manière efficace et crédible dans le milieu scolaire et universitaire. Que ce soit du point de vue lexical, syntaxique ou graphique, les efforts des enseignants et des chercheurs sont noyés, ou bien dans l’anonymat stérilisant, ou bien encore dans une dispersion d’énergie qui ne permet guère d’unifier ou de “standardiser’’ les données en question.

En vertu des termes de l’arrêté interministériel du 28 mars 2007, publié dans le Journal officiel n°21, qui arrête les missions et l’organisation du Centre national pédagogique et linguistique pour l’enseignement de tamazight, ce Centre est doté d’un organigramme qui comprend quatre départements techniques, un département de l’administration générale, de la communication et de l’édition et des antennes dirigées par des chefs d’antenne. Le département de l’aménagement linguistique comprend deux services : aménagement lexical et aménagement morpho-phonologique et syntaxique. Les missions dévolues à ces deux services étant, entre autres, d’ »analyser les expériences d’aménagement linguistique maternelles au niveau national et international notamment dans les pays plurilingues ». Bien que des mémoires ou des thèses aient été consacrées à ce volet qui appelle à une forme de comparaison pour capitaliser les expériences des autres peuples (Belgique, Suisse, Canada,…), c’est assurément la première fois qu’en Algérie une telle orientation vient de prendre un caractère officiel. Ce même département sera chargé également de « réaliser les conditions de favorables à l’émergence d’une forme standard commune de tamazight ».

Il est évident qu’une telle tâche n’est pas une sinécure et qu’elle ne peut se réaliser que sur le long terme. Comme le soutient le professeur Salem Chaker, la standardisation de tamazight sera surtout le résultat d’une évolution sur le terrain. Le terrain ne se limite pas ici à l’amphithéâtre ou à la salle de classe, il va au-delà et embrasse les usages de la langue qui seront développés dans les médias audiovisuels, la presse écrite et les conversations commandées par les nécessités du travail et de la profession. Il est aussi confié à ce département de « réaliser des dictionnaires généraux et des lexiques thématiques ». Dans ce domaine, le terrain n’est heureusement pas vierge. Il a été défriché par des auteurs comme Mouloud Mammeri et ceux qui l’ont précédé (le père Dalet, père De Foucault,…). D’autres chercheurs moins connus ont aussi établi des lexiques thématiques qui restent à éplucher et, éventuellement, à parfaire. D’autres missions sont dévolues à ce département de l’aménagement linguistiques : recherches et travaux nécessaires sur le terrain à la réalisation de convergences morpho-phonologiques entre les différentes variétés de tamazight, développement des axes de recherche en milieu linguistique algérien et maghrébin dans le domaine de tamazight et son système morphologique et phonologique, recherches sur les systèmes de transcription et d’orthographe et mise en place des grammaires scolaires.

Le département de la didactique, de la pédagogie et du suivi des enseignements est chargé, à travers deux services, de mener des recherches théoriques et pratiques dans le domaine de la didactique des langues maternelles, de mettre en place une didactique propre pour la maîtrise et la fonctionnalisation de tamazight, de mener des recherches sur la pédagogie des langues maternelles et sur les stratégies de valorisation et de fiabilisation de l’enseignement de tamazight.

Le département de littérature, arts, culture et patrimoine national amazigh fonctionnera avec deux services qui seront chargés notamment de mettre en place une bibliothèque, une audiothèque et une filmothèque, de traduire des ouvrages de et vers tamazight et de valoriser et d’encourager la création littéraire, artistique, historique et sociologique propre au patrimoine algérien. Le département des langues maternelles s’attellera, quant à lui, à « déterminer les espaces naturels des langues maternelles et leur représentation ; déterminer en termes linguistiques et sociologiques les parlers existants dans la société algérienne et établir une banque de données lexicales pour les langues maternelles ». Il est aussi confié au département “Langues maternelles’’ la mission d’ »étudier la hiérarchisation socio-fonctionnelle des langues maternelles algériennes ; d’étudier les rapports existants entre les langues maternelles des Algériens », et enfin, d’ « étudier les tendances des langues maternelles à la convergence ».

Le département de l’administration générale est chargé, outres les fonctions traditionnelles relatives à la gestion du personnel et des moyens, d’assurer la communication au sein du Centre (relations extérieures, mise en place d’un site Internet, diffusion des publications et travaux réalisés par le Centre (et de prendre en charge le volet édition et manifestations scientifiques (revues et périodiques, manifestations scientifiques et culturelles, valorisation des travaux et réflexions développés le Centre ou à sa demande). Sur le terrain de la revendication amazigh, il semble que, hormis certaines agitations politiciennes qui n’auront certainement pas la vie longue, le souci soit au pragmatisme pour capitaliser les acquis déjà engrangés et les rehausser au niveau de qualité requis.

Soulignons qu’en intervenant jeudi dernier sur les ondes de la radio Chaîne II, Belaïd Abrika, délégué des aârchs, a déclaré que  » l’on ne s’accroche plus à la symbolique du 20- Avril. On n’a pas besoin d’une symbolique qui ne rapporte rien. Il y a lieu de revendiquer la mise en place d’une politique linguistique sérieuse ». Dans le même sillage, il annonce la création d’une Académie de langue amazighe tout en précisant que, malgré les acquis-et ils sont nombreux-, la Plate-forme d’El Kseur n’est, jusqu’à présent, satisfaite qu’à 20%.

Amar Naït Messaoud

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