La musique et la poésie, deux espaces de refuge pour les jeunes

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“J’aime la poésie parce qu’elle nous fait don d’une force, même fictive. Pourquoi le geôlier ne chante-t-il pas ? Le captif chante parce qu’il est seul avec lui-même, alors que le goêlier n’existe qu’avec l’autre qu’il garde. Il veille tant à l’isolement du captif qu’il en oublie sa solitude personnelle», écrivait Mahmoud Darwich.Depuis la nuit des temps, l’homme tente d’exprimer ce qu’il y a de plus profond en lui. Une manière de témoigner, ou simplement une thérapie pour se soulager des souffrances incommensurables, c’est aussi une halte pour savourer ce qu’il y a de plus beau dans la vie. La musique et la poésie marquent leur forte présence dans toutes les civilisations, même les plus anciennes. De nos jours, ces deux voix de l’expression culturelle demeurent un leitmotiv omniprésent. D’ailleurs, des sommes colossales sont dépensées pour les promouvoir. Dans les régions oubliées, à l’instar de la commune d’Akfadou, ce n’est pas encore le cas. Peut-être qu’il faut attendre, toujours attendre. Incontestablement, la culture libère l’homme et le catapulte très loin, même vers les rêves les plus inaccessibles. Mais la terre qui a vu naître le grand barde Si Mohand U M’hand tarde à prendre ces choses au sérieux. La bourgade des Ath Mensour ne dispose pas d’espaces culturels. Une bâtisse a été construite pour être une maison de jeunes, mais sa mise en marche n’est pas encore à l’ordre du jour. Alors, la rue devient «la demeure» de beaucoup de jeunes et moins jeunes. Au menu de chaque jour : tabac, drogues et autres chemins sinueux. Avec la clochardisation de la société algérienne, le nombre des »oubliés» est sans cesse en croissance. Cependant, certaines personnes tendent fuir la monotonie des mauvais jours. Le trio Nabil, Samir et Arezki fait partie de la génération perdue. Les bancs de l’école ne sont pour eux que des souvenirs lointains et l’avenir ne s’affiche pas encore. Désormais, le chômage et le «dégoût-âge» se conjuguent au quotidien. Ce n’est pas du tout facile de tenir le coup dans ces circonstances. Heureusement, les trois amis ont leur essue salvatrice, c’est l’art. Nabil et Samir sont des musiciens qui n’ont jamais étudié la musique mais ils se débrouillent bien. Leur meilleur instrument est la guitare, la huit. Au début, c’était plus le mondole, mais avec le temps les mélodies du moderne ont pris le dessus.Arezki est poète, le monde des mots le fascinait depuis sa tendre enfance. Ses deux amis sont ses seuls confidents. Avec eux, il partage de longues journées et par fois de longues nuits. Souvent, le petit groupe d’artistes se retrouve à Ighil, loin des villages. C’est dans ces très beaux lieux des auteurs de l’Akfadou que la musique et la poésie font même ombre. «Chaque nuit qui s’effrite me fragmente/Je suis un astre sans ciel/L’ombre de l’aimée n’est plus/Et je me contente de l’ivresse de mots/Pour s’ouvrir démesurément», écrivait Arezki lorsqu’il était lycéen. Après trois ans de travail artistique commun, les trois jeunes chômeurs ont mis au monde plusieurs chansons en kabyle et en français. Leur rêve est d’éditer leur œuvre et d’aller plus loin dans ce monde fabuleux.Peut-être qu’en attendant, les autorités feront quelque chose pour couper court à la négligence et au laisser-aller.

Mohand Cherif Zirem

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