Dans l’indifférence

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l Jour de marché à Aïn Bessem. Comme chaque vendredi, à cette heure de la journée, l’esprit du citoyen est essentiellement happé par le cours des emplettes hebdomadaires. De temps à autre, il s’arrête un moment devant les affiches du FLN que les militants avaient collées le matin même, car celles de la veille sont parties en lambeaux. Un jeune refuse de traverser la place où est prévu le meeting de Belkhadem. « Faisons un détour, je ne veux pas gâcher ma journée », dit-il à son ami en joignant le geste à la parole. Belkhadem est annoncé pour 9 heures. Il arrivera une heure après. Pendant ce temps, les costumes gris, les militants du FLN et les employés de l’APC allaient dans tous les sens sans vraiment que toute cette excitation ne soit justifiée.

La place des Martyrs est barricadée. Les quatre rues qui l’entourent sont interdits à la circulation.

Pour accomplir sa mission, la presse s’invite à l’intérieur du carré réservé aux invités. On lui refuse l’accès. « Ma mission est de ne laisser passer personne », dit un costume gris venu d’Alger aux journalistes. Un confrère parle dans le portable : « Monsieur le ministre ( !?), on ne nous laisse pas entrer ! ». Nous apprendrons plus tard que le confrère fait partie du directoire de campagne. Ce qui explique « monsieur le ministre…. ! ».

Vers 10heures et accompagné des candidats aux législatives, le secrétaires général du FLN a qui les autorités avait réservé un accueil digne d’un chef du gouvernement fait son apparition. Kara Mohamed Sghir, tête de liste, ouvre le bal du festival des salamalecs. Tout y passe : ‘’Aïn Bessem la martyre’’, le chaâb El Aadhim, la réconciliation…. Hormis, les militants, les costumes gris, la place, elle, semble indifférente. Quelques gamins agitent le drapeau national. Couffins à la main, des citoyens marquent une halte, avant de vaquer à leurs occupations.

Le secrétaire général du FLN ‘’reprend’’ le perchoir. Son allocution ne durera que quelques 10mn. Tiens, le micro d’El Alem, une chaîne iranienne, est planté dans le pupitre ! Belkhadem invitera la place à voter pour le FLN. Du programme, il n’en soufflera mot, sinon des généralités. Légitimité historique oblige, le patron du FLN redressé s’empare du symbole qui appartient à tout un peuple, y compris aux trotskistes : « votez pour le FLN qui a libéré le pays…! » La réconciliation nationale est aussi un autre argument qu’avancera Belkhadem pour que l’on vote pour son parti : « Nous vous avons promis la réconciliation nationale, nous y sommes ! ». Au moment où il allait prendre congé de la place, un petit groupe huait de derrière les barreaux. Plus tard, un militant du FLN, nous expliquera qu’il s’attendait à ce que Belkhadem s’excuse de n’avoir pas retenu un candidat de Aïn Bessem. Pour rappel, la kasma locale n’avait pas caché son mécontentement quant au choix de la liste drivée par l’ancien ministre du Tourisme. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que le secrétaire général a choisi Aïn Bessem pour son premier meeting de…10mn. Pendant que tous les invités de la ville rejoignaient leurs véhicules, les militants leurs kasmas et les badauds leur train-train, un vieil homme hurlait en tenant sa chéchia dans la main : « Depuis le temps que vous votez, vous n’avez toujours pas compris que vous le faites pour rien ! »

T.Ould Amar

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