Hier au quartier général du Parti des travailleurs à El Harrach, dans la banlieue algéroise. Il est 11h 30. Le décor est très sobre à l’intérieur du siège. Debout autour d’une table sur laquelle est entassé une foultitude de journaux de la presse nationale, Abderrahmane Arfoutni, membre de la direction centrale du parti, considère que les élections se déroulent, jusque-là de manière normale. Commentant le taux de participation à 10h qui était de 6.75 %, il explique que cela relève des habitudes des citoyens. Selon lui, le contexte est différent des législatives de 2002. « Dans la région de Kabylie, ça participe normalement. C’est un changement important », avance-t-il. Le PT a-t-il constaté des dépassements à travers le territoire national ? Notre interlocuteur a énuméré certaines irrégularités. Il s’agit notamment des agissements du maire de Djabahia à Bouira d’obédience RND. « Il n’arrête pas de provoquer le PT. C’est un homme dangereux qui appelle les gens à voter contre le PT. On a exposé le problème au ministère de l’Intérieur. La CNPSEL, informée, n’a pas encore réagi », dénonce-t-il. Dans la localité de Rouïba, aux portes d’Alger, une urne, révèle-t-il, bourrée de bulletins de vote FLN et RND a été découverte. « Le problème a été réglé et le directeur du centre renvoyé », rassure-t-il. Dans la commune de Sidi Khaled dans la wilaya de Biskra, un maire sorti dans la rue, porte-voix à la main, s’est lancé, observe M. Arfoutni, dans une campagne pour voter pour une liste indépendante alors que la campagne électorale a pris fin lundi dernier. Moncef Timssine, membre de la direction de wilaya, juge que le PT a accompli une campagne électorale remarquable. « En sus d’une quarantaine de meetings animées par Louisa Hanoune, nous avons organisé des conférences débats. C’est extrêmement efficace », affirme-t-il en espérant que son parti réalisera un score plus important que celui obtenu lors des dernières législatives où le PT avait réussi à décrocher 21 sièges au niveau de l’APN. Confiant en l’issue des élections, M. Arfouni souligne qu’ »on ne peut pas régler les choses avec de la fraude », avant de dire, exaspéré, « barakat » avec une telle pratique. Une militante, tête de liste dans la wilaya de Ain Defla, qui a requis l’anonymat, souligne qu’il est temps d’expliquer à la population « que le député ne peut rien leur apporter, mais ce sont les lois qui peuvent satisfaire leurs demandes ». Et d’inviter la presse à expliquer le rôle d’un député et ses missions à l’APN. 17h. Retour au siège du parti des travailleurs. M.Labchri Karim, député sortant et tête de liste dans la wilaya de Tizi Ouzou, juge « anormale » la diffusion des bulletins de vote du RCD dans cette wilaya. « Il est temps de respecter la souveraineté nationale (…) L’opération s’est déroulée dans le calme en Kabylie. C’est important pour cette région », finit-il par lâcher. Lui aussi se montre confiant des résultats en dépit du fort taux d’abstention. « D’après la campagne, il est clair qu’on fera un bond en avant », annonce-t-il. 19h45. Louisa Hanoune, pasionaria du PT, toute la journée occupée à chapeauter un comité de suivi des élections, improvise un point de presse. Elle tente d’emblée d’expliquer les raisons de la désaffection des citoyens qu’elle impute à l’absence de garanties aux travailleurs et même aux conséquences des attentats à la bombe commis la veille des élections législatives dans la ville de Constantine. A en croire Hanoune, l’appel lancé par d’Al Qaida au Maghreb pour le boycottage des élections n’est pas derrière cette désaffection. « Les gens sont fatigués. C’est une sanction à la politique prônée par les pouvoirs publics », explique-t-elle. De son point de vue, l’affichage « sauvage et écœurant » a dégoûté les citoyens. Estimant avoir remarqué une neutralité de l’administration, la porte-parole du PT affirme avoir enregistré des dépassements, des cas isolés, dans 10 wilayas du pays dont les auteurs sont à mettre sur le compte « d’initiatives locales » des partis HMS, RND, FLN, RCD et l’ANR. Elle s’est montrée une va-t-en guerre contre la lettre envoyée par Said Bouchaïr, président de la Commission électorale de surveillance des élections législatives, (CNPSEL) au président de la République dans laquelle tous les partis politiques, excepté le PT, dénoncent des cas avérés de fraude. Ce document invite Bouteflika à prendre des mesures idoines. « On veut accabler des parties et couvrir d’autres », fustige-t-elle. Qualifiant cette lettre truffée « de contre-vérités », « d’opération politique » répondant à des « considérations politiques », l’intervenante, étonnée de constater que cette missive soit envoyée d’abord à la presse, soutient qu’elle n’est pas envoyée à Bouteflika mais bien à d’autres centres. » Bouchaïr a sous-estimé la teneur de cette lettre. », conclut-elle. Une conférence de presse est prévue pour aujourd’hui.
Hocine Lamriben