La peur des résultats a-t-elle gagné l’ex-parti unique ? C’est vraisemblablement le cas si on se fie aux multiples et graves dépassements qui ont eu lieu lors de ces législatives. Censée pourtant être révolue, la fraude électorale a, encore une fois, été au rendez-vous, malgré les garanties offertes aux partis entrés en lice et les amendements portés au code électoral dont celui relatif au fait de mettre les PV de dépouillement au profit des représentants des formations politiques dans chaque bureau de vote.
Mais voilà que le coordinateur de la CNPSEL, Saïd Bouchaïr, a, dans une lettre de protestation adressée au président de la République, fait part « des graves dépassements au niveau de nombreuses wilayas, à commencer par l’interdiction faite aux contrôleurs d’assister à l’ouverture du scrutin, le refus d’ouvrir les urnes avant le vote et le remplissage de certaines par des bulletins de vote au profit du FLN, comme cela a été le cas dans la commune de Rouiba, centre Mohamed-Lekbir, où 135 bulletins (FLN) ont été découverts après l’ouverture de l’urne. D’autres dépassements ont été enregistrés, tels que l’absence de bulletins de vote de certaines listes… »
De même que « la campagne électorale s’est poursuivie jusqu’au jour du vote par le FLN et ses représentants », citant l’exemple de Djamel Ould Abbas, tête de liste FLN dans la wilaya de Aïn Témouchent. Ils ont été présentés comme auteurs « de graves dépassements depuis le début de la campagne à ce jour. » Incombant au passage « la pleine responsabilité au président de la commission administrative des élections législatives » (le chef du gouvernement Abdelaziz Belkhadem), M. Bouchaïr a appelé le chef de l’Etat » à prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme « à ces » comportements irresponsables qui portent atteinte à la crédibilité des élections, à la réputation du pays et à l’autorité de l’Etat. » Des phrases qui révèlent l’ampleur de la fraude, mais aussi le désespoir de voir un scrutin se dérouler convenablement dans un pays qui aspire à en finir avec des méthodes de gestion politique autoritaires et empreintes de manipulation.
Les plaintes de cette commission sont transmises au Conseil constitutionnel qui est chargé de valider les résultats. Le Conseil constitutionnel doit proclamer les résultats officiels du scrutin 72 heures après la fermeture des bureaux de vote, soit au plus tard lundi 21 mai. La décision du Conseil constitutionnel entraînera-t-elle l’invalidation du scrutin comme cela serait le cas dans les pays démocratiques ? Annulera-t-il les résultats des bureaux ayant connus ces anomalies et sanctionnera-t-il les formations ayant enfreint les règles démocratiques ? Ou alors validera-t-il le scrutin en se contentant de minimes observations susceptibles de conforter les 65% d’abstentionnistes et les 20% ayant voté blanc ? Si des réformes urgentes ne sont pas mises en œuvre quant à la séparation des pouvoirs et à l’ouverture des champs d’expression, il est à craindre qu’au prochain scrutin, on connaîtra un taux d’abstention encore plus important que celui de ces législatives. Avec ces pratiques, personne ne peut contredire M. Belkhadem sur sa conviction de rester la première force politique du pays. Quant à la démocratie, il faut revenir.
Yassine Mohellebi
