(4e partie)
Le roi et la reine attendirent le retour de leurs fils accompagnés de leur sœur, mais ils ne reviennent pas. la reine éplorée ne fait que pleurer à longueur de journée. Elle se lamente et se lacère les joues, elle se culpabilise en se disant qu’elle aurait dû les empêcher de partir tous ensemble. Elle aurait pu retenir au moins l’un d’eux, mais elle ne l’a pas fait. Elle le regrette amèrement. La voilà, elle qui a enfanté sept enfants sans un seul à la maison.De son côté, le roi est dans le même état. Il se sent coupable de toute la tragédie qui arrive à sa famille. S’il s’était montré un peu plus ferme envers l’extravagance de sa fille, pour la possession de la robe qui danse toute seule, rien ne serai arrivé. S’il avait empêché des six fils de partir ensemble pour délivrer leur sœur qui n’est plus peut-être en vie, rien ne serait arrivé. S’il les avait fait escortés rien ne le leur serait arrivé non plus. Coupable sur tous les plans, l’agellid’ est au bord de l’effondrement. Il commence à se faire vieux, il avait six héritiers et une héritière et le voilà tout d’un coup d’adhelaâ imoumi ikes elqaâ (sans rien).Pour cacher son immense chagrin il s’enferme chez lui, et ne prend part aux assemblées que lorsque sa présence est indispensable.La reine qui a perdu tout espoir de revoir vivant ses enfants, passe son temps à prier Dieu de lui exaucer le vœu, d’enfanter de nouveau même s’il s’agit d’un enfant ressemblant à un mulet (asarrd’oun).Son vœu est exaucé. Quelques mois plus tard, elle met au monde un garçon qui fut prénommé Ali. La joie revient au palais, le trône est sauvé, la famille royale a un héritier.Ali, choyé, grandit. Il était normalement constitué à l’exception de sa tête, qui était un peu diforme, elle était oblongue, et ses mâchoires allongées et proéminentes. Quand on le regarde de profil, on dirait une tête de mulet posée sur un corps humain.Cette ’’infirmité’’ lui valut le surnom de Ali Asard’oun (Ali le mulet). Et comme le mulet dont il porte le nom, Ali devient fort, endurant et têtu. Gare à celui qui ose le contrarier. Il cogne de ses mains et de ses pieds. Adolescent personne ne lui résiste. Adulte, il devient invincible. Bien que pas très intelligent et se souciant peu des affaires du royaume et de la lourde tâche qui l’attend, à la mort de ses parents. Un jour, le roi et la reine décident de lui dire la vérité, à propos de ses six frères et de sa sœur disparus. Il est étonné d’entendre de tels propos.- S’ils sont encore en vie je les délivrerais et je tuerai le monstre qui les a gardé prisonniers depuis tant d’années.Ses parents sont heureux et malheureux à la fois. Ils veulent avoir le cœur net sur ce qui est arrivé à leurs enfants, mais ils craignent que Ali asard’oun périsse et ç’en est fini de leur lignée. Ils se ressaisissent et veulent l’empêcher de courir à l’aventure. Mais Ali Asard’oun n’aime ni les dagues ni les épées, son arme de prédilection est la massue. Il se rend chez le forgeron du palais ’’ah’dad’’ et lui commande une massue en fer forgé, que ne peuvent soulever que deux hommes bien musclés.Quand elle est fabriquée, il essaye sur des rochers. Elle s’ébrèche. Il demande au forgeron de la renforcer jusqu’à ce qu’elle devienne plus solide qu’un roc de granit.Muni de sa terrible arme, il harnache deux chevaux, l’un pour lui et l’autre pour sa massue et prend la direction de la forêt où réside ouaghzen (l’ogre). En cours de route, il rencontre le berger qu’ont rencontré ses frères il y a de nombreuses années.- Peux-tu m’indiquer l’antre de ouaghzen ay argaz lâli !’’ (Fils de bonne famille).- Retourne sur ton chemin, si tu veux pas mourir, jeune homme écervelé. Ouaghzen est invincible. Tous ceux qui sont rentrés dans son territoire, ne sont jamais revenus. Six fous comme toi se sont aventurés, mais ils ne sont jamais revenus !- Ce sont mes frères, ce sont eux que je cherche !- Rebrousse ton chemin pendant qu’il est encore temps, sinon tu vas finir comme eux.- Même si je dois y laisser la vie, je ne retournerai pas d’où je vient. Inutile de me conseiller.- Puisque tu est têtu comme une mule, mesure-toi au bélier que voici.Il lui montre un énorme bélier aux cornes retournées. Ali Asard’oun sourit. Sans utiliser sa massue, il se dirige vers le bélier qui fonce vers lui tête baissée. Il évite son assaut, le saisit par les cornes, le fait tournoyer et le jette au sol, comme s’il s’agissait d’un fétu de paille. Le berger est étonné, cet homme doué d’une force surhumaine est capable avec un peu de chance de battre, voire de tuer l’ogre (ouaghzen). Il lui indique la voie à suivre.. Ali Asard’oun est très content de son exploit. Il continue son chemin et trouve le bouvier. – Je cherche l’antre de Ouaghzen pour le tuer. Peux-tu m’indiquer le chemin ?- Tu veux rigoler ou quoi, jeune écervelé ! Ouaghzen n’est pas n’importe qui. Retourne d’où tu viens, avant qu’il ne soit trop tard. Ouaghzen est invincible. Tous ceux qui sont rentrés dans la forêt ne sont jamais revenus. Retourne chez toi si tu ne veux pas qu’il t’arrive ce qui est arrivé à six jeunes comme toi, qui n’ont pas voulu m’écouter. Ils ont été dévorés les pauvres, eux qui croyaient pourvoir le tuer.- Ces six jeunes ce sont mes frères, je les recherche. S’ils sont vivants je vais les ramener à la maison, et s’ils sont morts je veux le savoir. Rien ne pourra me détourner de ma mission, inutile de me conseiller.- Puisque tu est têtu comme une mule, et pour voir si tu est vraiment fort, mesure-toi au taureau que voici au milieu du troupeau.- Ali Asard’oun sourit. ce n’est pas ce taureau aux cornes en faucille qui va le battre, il le sait. Il s’avance d’un pas décidé vers le taureau aux cornes effrayantes et le défie à mains nues. Le taureau s’élance sur lui, il esquive le coup se saisit de ses cornes et le fait pivoiter sur lui-même jusqu’à ce qu’il tombe à terre.
Benrejdal Lounes (A suivre)