Sayad, une vie, des œuvres

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«Abdelmalek Sayad était pour moi un ami, plus qu’un ami, une sorte de frère et il m’est difficile de parler de lui en évitant le pathos, qu’il n’aurait pas aimé », écrivait Pierre Bourdieu quelques jours après la disparition de Sayad. Sayad Abdelmalek, la double absence. Des illusions aux souffrances de l’immigré. Préface de Pierre Bourdieu. Paris, Seuil, 1999, 448 p. est le best-seller du sociologue. Sayad Abdelmalek est né en 1933 à Vgayet, il est l’un des sociologues les plus en vue de sa génération. Ses écrits spécialisés dans l’émigration/ immigration lui valurent une grande renommée incontestable. Ami très proche de Pierre Bourdieu, Sayad travaillait sur les sociétés des deux rives de la Méditerranée. Sayad a vécu en Algérie sous l’occupation française et dans une Algérie indépendante. « Faire la sociologie de ce sociologue algérien est en soi faire la sociologie de l’Algérie toute entière ». Sayad avait un itinéraire personnel qui explique que nul avant lui n’avait « vu le point aveugle des études classiques sur l’immigration ». Abdelmalek Sayad était directeur de recherche au CNRS et à l’École des hautes études en sciences sociales (EHEES). Fin connaisseur de la communauté nord-africaine en France, il a été décrit par ses amis comme un « Socrate d’Algérie ».

En sociologie, il est le « père fondateur » de la question de l’immigration sur laquelle il va porter un double regard. Pour étudier cette question complexe, il va placer au cœur de son analyse l’émigré-immigré et ne va plus considérer ce dernier comme une force de travail mais comme « un fait social dans sa globalité ». Au cœur de son analyse, le sujet émigré-immigré va être au centre de deux systèmes :

Variables d’origine : caractéristiques sociales (aptitudes socialement déterminées dont le sujet est porteur avant l’émigration).

Variables d’aboutissement : ensemble des variables qui dans la société française vont déterminer le devenir du sujet. Il étudie le rapport entre deux sociétés et plus particulièrement l’influence de la colonisation de la France sur l’Algérie.

À travers ses trajectoires individuelles et expériences personnelles, Abdelmalek Sayad abordait le système dans sa globalité. Il a rompu avec une immigration homogène soumise aux mêmes mécanismes et mettait en exergue le fait qu’il peut y avoir différentes générations dans l’immigration. Ainsi, sa sociologie du début des années 70 vient en rupture avec les analyses sociologiques précédentes qui portaient un regard très déshumanisant sur l’immigré. Il va partir d’une double vision, diachronique (historique) et synchronique (présente) accordant ainsi une place primordiale à la colonisation et à la décolonisation de l’Algérie. Il apporte un regard neuf et plus humain sur la question délicate des migrations, écrivent ses biographes. Sayad est décédé le 13 mars 1998 à l’âge de la maturité scientifique et intellectuelle laissant des réflexions de haut niveau et des livres totalement dédiés au savoir.

M.M.

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