Par : Haddar Yazid
Vous êtes-vous déjà posé la question suivante : Pourquoi certains Algériens ne respectent-ils pas le code de la route ? Pourquoi nos villes sont-elles passées du modèle européen à des souks ? D’autres questions nous interpellent et titillent nos consciences. Pourquoi ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Mon but n’est pas de vous proposer un voyage dans l’histoire de l’Algérie, ni d’accuser les uns ou les autres ; seule l’histoire sera juge des hommes.
Dans Le monde de Sophie, quand Sophie voulait apprendre la philosophie, le philosophe lui conseillait de ranger d’abord sa chambre, pour que ses idées soient plus claires. En effet, avant de commencer tout travail, toute personne devrait commencer à s’organiser.
Comment accomplir cette tâche et quels sont les moyens dont l’individu a besoin ? (C’est la stratégie cognitive, où chaque individu développe une stratégie pour arriver à un but). « Un travail organisé est à moitié fait ».
Pour s’organiser, l’individu doit se représenter son environnement et se représenter lui-même dans son système cérébral, c’est-à-dire qu’il doit avoir une image mentale de lui (représentation endogène) et de son milieu (représentation exogène).
Ces représentations sont spatiales et temporelles. Elles sont très importantes dans l’évolution de la personnalité et dans la prise de conscience de son environnement et de l’autre. Lors des débats, qui ont eu lieu dans les années soixante-dix sur l’inné et l’acquis, Jean Piaget a mis fin à ce litige, en écrivant qu’on n’a pas les mêmes connaissances, mais qu’on a les mêmes mécanismes d’acquisition de ces connaissances.
De même, en ce qui concerne la nature temporelle (le comment ?) et la nature spatiale (la localisation) dans le système cérébral, on a tous les mêmes circuits cérébraux pour le traitement de l’information et pour la localisation de l’information. C’est ce qu’on appelle en psychologie cognitive : « des schémas ». Cependant, les représentations spatiales et temporelles sont différentes d’un individu à un autre, d’une culture à une autre, car elles peuvent être subjectives. Chez un(e) Algérien(ne), dans la majorité des cas, on trouve une organisation de l’espace intériorisée. En effet, son habitat est bien organisé selon ses besoins (voir la pyramide de Maslow), on y trouve même un jardin. Mais, dès que l’on sort de la clôture de son habitat, pour lui (pour elle), l’aménagement de l’espace extérieur n’a plus d’importance.
Ceci signifie que ce qui est hors de chez lui ne fait guère partie de son image mentale. L’aménagement de l’espace extérieur est alors exclu de sa pensée et de ses priorités.
Certains décideurs, quand ils construisent des logements, ont le seul souci de construire sans prendre en compte les aspects sociaux, culturels, écologiques et esthétiques de la ville. Ces décideurs n’ont pas intégré dans leur système ou leur schéma de pensée ces éléments. Je peux multiplier les exemples : dans nos mairies, le service social est vraiment archaïque, les assistantes sociales sont quasi absentes dans le service.
A cela s’ajoute une gestion trop affective qui n’a rien à voir avec la rationalité dont les modèles sociaux des pays développés sont imprégnés. En Algérie, ces services sociaux auraient tendance à s’écarter de leur mission initiale ; au lieu d’aider les personnes nécessiteuses, les aides financières sont accordées de façon anarchique comme si le service social était devenu une garantie d’élection pour le maire.
Vous avez déjà sans doute remarqué que certains de nos compatriotes ne respectent guère les rendez-vous. Ils viennent souvent une heure après celle prévue en essayant de se justifier. Beaucoup de patrons en pâtissent. Imaginez que vous soyez un directeur d’école et qu’un matin, vous ayez cinq professeurs absents sans que vous ne soyez prévenu. Comment réagiriez-vous ? Pourtant ceci est le quotidien des patrons, des hôpitaux, des administrations, etc… Comment ces structures fonctionnent-elles dans ce contexte ? Je vous laisse imaginer la réponse ! Ces exemples indiquent que la notion du temps est représentée d’une manière subjective, qui n’a rien à voir avec la représentation moderne du temps. Dans la pensée occidentale, le temps joue un rôle primordial. Une minute de retard peut perturber votre journée (en France, les transports en commun respectent rigoureusement les horaires).
Les gens organisés planifient leur emploi du temps. Ils prévoient ce qu’ils vont faire pendant la journée, la semaine, l’année, leurs vacances, etc. Tout est préparé d’avance. Ainsi, ils peuvent prévoir leurs budgets et l’organisation de leurs séjours de vacances.
Cette organisation leur apporte un bien-être certain. De plus, la société occidentale est elle-même bien organisée, ce qui se traduit par une plus grande rapidité administrative et une plus grande efficacité.
A l’ère de la mondialisation, les notions du temps et de l’espace sont fondamentales pour que toute personne puisse s’adapter à de nouvelles données et répondre aux concurrences féroces entre les différentes entreprises.
Ceci dit, comme la mondialisation est le fruit de la pensée moderne, l’Algérien devrait intégrer cette évolution. Certes, nos ancêtres avaient bien organisé notre cité, mais à l’heure actuelle, leur organisation ne correspond plus aux besoins de notre évolution et à celle du monde. Notre école est passée à côté de beaucoup de choses importantes, sur le fond et la forme, d’où la nécessité de la réformer car la personnalité algérienne est en perdition. En effet, l’apprentissage scolaire a aussi son rôle à jouer afin que les représentations spatiales et temporelles répondent aux besoins de l’évolution de la société. Par exemple, pourquoi ne pas développer la sensibilisation à l’art, à la beauté afin que le futur citoyen algérien intègre les éléments esthétiques, sociaux, culturels, etc. dans sa pensée ? Ainsi, nous obtiendrions une cité harmonieuse et respectueuse de l’environnement, imprégnée de notre culture enfin organisée. Il serait également intéressant de transmettre aux élèves les clés nécessaires à la compréhension d’une œuvre d’art. Outre l’apprentissage de l’expression artistique, ils seraient capables d’analyser une œuvre et d’étudier son histoire. Ainsi leur imaginaire en serait marqué. De plus, il serait intéressant que nos jeunes lisent ce que les autres hommes ont pensé, pour les aider à former leur propre jugement sur la vie et sur le monde.
Des nouvelles des sciences cognitives.
Notre mémoire a une capacité illimitée de stockage. Plus on apprend, plus il est facile d’apprendre. La mémoire obéirait à un effet » boule de neige « . Au lieu de se saturer, elle repousserait sans cesse ses propres limites, de sorte que les données apprises faciliteraient l’acquisition de nouvelles connaissances. Alors travaillons notre mémoire !
Y. H.
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