Matoub, une école, un avenir

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Cela fait toujours plaisir de marquer une date d’un homme. Un événement peut être ponctuel, car il marque la présence, la continuité. Quand il s’agit de célébrer l’anniversaire de la disparition d’un chanteur d’une telle envergure qu’est Matoub, on comprend alors que la société vit au rythme de cet événement “culturel” identitaire et dramatique.

Dans le monde émouvant de la musique, exister et surtout durer est presque une gageure. Ainsi diverses associations culturelles à travers le pays et même à l’étranger ont organisé des manifestations à la mesure de sa réputation et qui mobilisent toutes les populations, vivant au rythme de la musique du chantre disparu. Lounès Matoub a été et reste l’un des plus importants chanteurs d’expression amazigh.

Sa disparition, voici maintenant neuf (9) ans, outre le vide qu’elle laisse dans le monde musical, est ressentie comme une perte irréparable. C’est seulement une fois disparu que l’on se rend compte de l’impact de quelqu’un sur sa propre vie. La disparition de Matoub a largement vérifié cette date. Lounès Matoub est revendiqué à juste titre, mais il a été surtout celui qui a constitué le lien, le pont indispensable entre les générations, la façon de comprendre et de pratiquer la musique dans toute sa dimension.

Sa vaste culture musicale, son ouverture d’esprit, lui ont permis d’être un des rares chanteurs à l’aise dans des genres aussi différents “chaâbi et folklore”. Si Matoub n’a pas fait école, en ce sens que les “maîtres” s’en sont tenus en général à leur genre initial Lounès pratique avec autant de bonheur tous les genres. Il n’en reste pas moins qu’il a marqué de son empreinte la musique “chaâbi” dite moderne à sa juste valeur. Le chanteur revient à chaque fois dans son œuvre, avec un travail bien plus accompli, plus mûri, un travail serein, dirons-nous. Le défunt sait chanter et parler de son pays en général et de sa Kabylie en particulier, avec un regard d’artiste avec un grand “A”. C’est le regard du cœur qui est perceptible qui voit le détail dans toute son œuvre. Cette humanité que l’on ressent dans toutes ses chansons est réelle, palpable, l’artiste les vit quotidiennement, lui, qui a choisi son combat par le chant et c’est ce qui rajoute de l’intérêt voire de la considération à son œuvre.

Il disait souvent “Chaque fois que je suis en panne d’inspiration, je reviens toujours auprès des miens”, même s’il ne les a jamais quittés. Il a appris la sérénité, en disant tout de son vivant et ses chansons le prouvent suffisamment dans l’éclatement de l’art et du beau. En somme Lounès Matoub est : l’artiste, le militant et l’être social. Le défunt extériorise ses sentiments dans une harmonie de traits, riches et mûrs pour attester que l’artiste maîtrise ses pulsions, en replacçant l’art dans son contexte social, naturel. Le mieux est encore de l’écouter. S’il y a bien des chansons dont on ne se lasse jamais, c’est bien celles de Matoub. Il s’agit maintenant de préserver cet héritage, mais aussi inciter les jeunes talents à se tourner vers la musique dans la perspective d’un élargissement conséquent, de base sociale du genre “Matoub”. Aujourd’hui ce “géant” est reconnu, non seulement comme étant un artiste, mais aussi et surtout comme symbole de lutte, de poésie et de musique qui a su allier tradition et ouverture.

Il en est ainsi des êtres comme des chansons mais si les uns subissent les affres de l’obscurantisme, ces dernières demeurent immuables dans leur éternité. Voilà pourquoi, nous sommes souvent étonnés quand nous écoutons les chansons du Rebelle, de constater qu’ellessont éternelles.

SKS

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