L’élite politique algérienne appelée à revoir sa copie

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Les débats cycliques de notre confrère El Watan ont porté sur une thématique des plus brûlante à savoir  » L’élite politique algérienne : conceptions et pratiques du pouvoir « . D’éminents conférenciers ont été conviés à ce débat mensuel, animé, jeudi dernier à l’hôtel Mercure d’Alger par le politologue Mohammed Hachmaoui. Il s’agit des sociologues Mohamed Djabi et Abdeslam Cheddadi et de l’historien Mohamed Harbi. Une assistance nombreuse est venue se joindre aux débats malgré cette après-midi footbalistique. On pouvait remarquer Mouloud Hamrouche et Ahmed Benbitour, ex-Chefs de gouvernement, Ali Yahia Abdenour, président d’honneur de la LADDH et Mostefa Bouhadef, cadre démissionnaire du FFS. Premier à intervenir, Nacer Djabi, fort de son enquête  » Origines et itinéraires  » sur les ministres et les Premiers ministres, a considéré qu la génération des années 40 a été contrainte de quitter son village pour aller à la quête du savoir dans les villes, parfois même à l’étranger.

Pour lui, l’élite ne vient pas seulement des campagnes, mais se recrute dans les familles aisées aussi dans les villes, devenus pourvoyeuses d’élites après les années 40.  » L’itinéraire politique indique que nous sommes devant une élite politique normale dans un pouvoir politique anormal « , a-t-il estimé. A l’occasion des élections, ces ministres tentent, selon lui, de regagner leurs régions natales pour s’y porter comme candidats car, a-t-il, constaté, ceux-ci sont en rupture de ban avec leur entourage. Sur 100 ministres, un tiers de l’élite politique, est issu de familles propriétaires terriens. Au plan culturel, le conférencier a estimé que 10% de l’élite ont un père ayant une formation universitaire alors que le tiers ont un paternel n’ayant pas dépassé le cap du secondaire.

M. Djabi a expliqué que des ministres s’échinent à se départir, après leur sortie de gouvernement, a exprimer leur libertés dans une tentative de  » rupture  » et de  » désobéissance « , notamment à travers la création de partis politiques. Pour sa part, Mohamed Harbi a évoqué les conditions d’apparitions des espaces publics, des logiques sociétales et du mode de l’exercice de la domination dans la culture politique.

Il a rappelé que durant les années 20, les espaces publics étaient limités et l’élite était fractionnée et d’ajouter  » que l’intellectuel qui viendra au mouvement national devra devenir un instrument dans la lutte des classes.  » Pour lui, le patronat et le clientélisme s’opposent à l’émergence de l’individu. M.Harbi a dénoncé certaines pratiques politiques qui font que les acteurs soient contrôlés à coup de diffamation et de calomnie. Ce qui est qualifié de syndrome qui fait ranger les intellectuels algériens au côté du FLN. Au lendemain de l’Indépendance, des forces centrifuges, a indiqué l’historien, paralysent l’Etat puisqu’il y a absence de transparence dans la sélection de l’élite.

De son point de vue, la prise du pouvoir de 1963 et 1965 s’est fait militairement. Il conclut sa communication en soulignant que le système judiciaire est un autre maillon du dispositif de coercition mis en place par le pouvoir. Invité de son côté à s’expliquer sur la problématique, Abdesselam Chedaddi, sociologue et professeur à l’Institut universitaire de la recherche scientifique à Rabat, a regretté que les universités du monde arabe ne remplissent pas leur rôle de manière concrètes.  » Nous n’avons pas développé les sciences sociales et humaines. Sans la théorisation de la pensée politique, nous continuerons à vivre dans le chaos « , fait-il remarquer et d’avertir contre les méfaits de la mondialisation qui menace notre culture.

Il émet le vœu de lier le local au mondial et intégrer le mondial au local, une façon de se mettre à l’universalisme où, a-t-il dit, « nous avons notre mot à dire « . A la question de Me Ali Yahia Abdenour sur  » l’impuissance  » et la  » trahison  » dans lesquels s’accommodent notre élite, M.Harbi y voit une différence entre la compétence technique et sociale des intellectuels. Un problème qui trouve ses racines, d’après lui, dans la faillite du système éducatif algérien.

Hocine Lam.

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