Anthologique “Djamila” toujours aussi belle

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C’est avec les chansons de Larbi Zeggane, dit Kamel Hamadi, que le jeune Lounis Aït Menguellet est monté pour la première fois sur la scène, au stade communal de Larbaâ Nath Irathen en 1974 à l’occasion de la fête annuelle des cerises, en compagnie de plusieurs chanteurs : Kamel Hamadi, Nora, Hassen Abassi, Nouara… Driassa et Chaou Abdelkader. Il chantera deux chansons : Alwaldine et Snat tulass, avant que la fête ne tourne à la désillusion. Lounis venait d’être remplacé par l’improvisation du chanteur Chaou avec Djah rebi ya djirani.

Dans les années 70, Aït Menguellet évoque nécessairement les chants amoureux. Ses chansons nombreuses sont un véritable délice verbal, décrivant l’être aimé, les affres de la séparation, les rencontres fatales et les délices des rendez-vous câlins. Le chanteur consacrera la première partie de sa vie artistique à composer et à chanter uniquement des chansons dont les thèmes se rapportent entre l’homme et la femme, chansons dites “sentimentales” jusqu’en 1980, où il changera radicalement de thématique.

La fibre de l’amour

L’artiste-poète qui a chanté l’amour sous toutes ses facettes durant plus d’une décennie, parfois avec une poésie déroutante et foudroyante s’inspire de l’absurdité de la vie qu’il sert en musique, éliminant les âmes chétives, en insufflant le goût du renouveau et cassant les tabous de l’époque avec une renaissance pour ceux qui font vibrer la fibre de l’amour. Si certains chanteurs aujourd’hui dissèquent les mots, Lounis les caresse, les berce et les donne à ses auditeurs avec nostalgie. Les années dites “d’or” du poète dont l’amour est le nerf vital, resteront toujours un recours d’inspiration inévitable pour les générations actuelles et futures. Même si le chantre s’enrobe de contours mystiques, il apporte sa dose de sagesse et de considérations générales sur la vie.

Un virtuose de la parole

Des chansons, il n’en manque pas. on peut préférer — même si elles se valent toutes — la virtuosité linguistique utilisée dans Tessedlamdiyi (tu m’as condamné), Lasteksayegh itran (j’interroge les étoiles), Lahlak dedjid edgi (le mal que tu as laissé en moi), ces chansons décrivent l’ émoi causé par une rencontre avec des filles belles et farouches. L’art d’Aït Menguellet est de chanter avec un talent foudroyant.

Anthologique “Djamila”

Ses textes décrivent dans le détail la beauté de ces femmes, leurs parures et content le dialogue entre le poète et les belles. La chanson Djamila (la belle) est une illustration parfaite et une anthologie avec des textes descriptifs déroutants, où l’évocation de la beauté éclatante est comme une pièce de soie. Atin ighaven am yetri (absente comme une étoile) est une chanson dont le texte commence par l’innovation de sa bien-aimée pour se dérouler ensuite dans des tribulations où se mélangent beauté, rupture et espoir. L’amour et la haine de la femme dans la poésie du chantre se côtoient sans conflit et s’enrichissent mutuellement. C’est sans doute pour cela que les chansons de Lounis Aït Menguellet seront éternellement une source d’inspiration et ne se démoderont jamais. Elles sont comme la vie.

40 années nostalgiques

En écoutant toutes ces chansons d’amour, les auditeurs pleurent. Pas seulement des femmes mais aussi des hommes de sa génération, car à travers sa voix, ses mélodies et sa poésie raisonnent des voix sensibles de tous ceux et de toutes celles qui l’ont accompagné dans sa carrière. Aït Menguellet qui est né à une époque déterminante est incontestablement aujourd’hui notre plus grand poète et chanteur. Lorsqu’il chante en Algérie ou à l’étranger, c’est lui qui rassemble le plus large public, des foules frémissantes qui ont toujours fait peur aux forces de l’ordre.

Aït Menguellet a été parmi les premiers chanteurs algériens kabyles à remplir le 11 février 1978 la salle de l’Olympia à Paris, après Aïssa Djermouni. Il en est ainsi des humains comme des chansons, mais si les uns subissent les caprices et la loi du temps, les chansons, comme des livres, demeurent immuables dans leur éternité. Voilà pourquoi nous sommes souvent étonnés quand nous écoutons les chansons de Lounis, de constater que des sentiments que nous croyons rares, aujourd’hui, existaient chez lui il y a de longues années.

S. K. S.

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