L’élu en question

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Si l’on se référe au Larousse, l’on y trouverait trois définitions pour le mot élu, la première relative au domaine affectif à savoir, “élu du cœur”, la seconde à la religion se rapportant aux “élus”, c’est-à-dire ceux qui ont suivi le chemin de Dieu et accéderont donc au Paradis et la troisième, celui qui concerne la société en général et la nation en particulier, “l’élu” à une assemblée quelconque.

Il est aisé de constater que toutes trois ont subi la loi de la sélection naturelle, divine ou sociale et que tous trois ont dû à leur mérite d’avoir été choisi. “L’élu du cœur” pour sa singularité, “l’élu de Dieu” pour sa noblesse d’âme et “l’élu de peuple” pour son civisme, son nationalisme et surtout ses compétences. Si Dieu et le cœur n’ont de compte à rendre à personne, les urnes, quant à elles, sont généralement vilipendées pour les résultats que l’on découvre après chaque scrutin. En règle générale, les protestations suivent la publication des résultats et les réclamations aboutissent rarement, le temps faisant la part des choses toute en… lenteur.

Notre société, qui vient de prendre le train de la voie des urnes, largement en retard sur certaines nations dites “avancés” vit elle aussi les mêmes causes avec les mêmes effets, sensiblement différents d’une région à l’autre, selon l’implantation des partis politiques, ceci dépendant largement du degré de militantisme et des aspirations personnelles qui, pour d’aucuns, priment sur les intérêts partisans et nationaux.

La coutume voulant que le plus âgé soit plus au courant que son cadet, il serait bien sûr inconcevable que la vieillesse ne soit pas au fait en matière d’élection. Cependant, paradoxalement, du fait que la société ayant longtemps végété dans un monopartisme réservé à une certaine élite, l’on découvre une situation où la jeunesse est beaucoup plus politisée que ses aînés, ceux-là demeurant toujours sujets aux mêmes réflexes de préservation dus à la fermeture du champ politique. Combien parmi le “troisième âge” qui auraient glissé leur bulletin dans la fameuse urne sous les orientations d’une descendance plus au fait des choses ?

Et certains de demander à leur progéniture : “Au fait, qu’est-ce qu’un élu ?”

Pour certains, résurgence d’un passé qui ne semble pas trop éloigné dans le temps, considérant que chacun y fait référence à tout bout de champ et s’en servant à outrance pour étayer leur argumentation, “l’élu” porte encore un burnous blanc comme l’image incrustée dans les mémoires. Il circulerait encore à cheval, précédant une cohorte de grands responsables que personne n’a jamais osé approcher, sinon pour en baiser le pan de l’habit.

Pour d’autres, les campagnes électorales leur ont permis d’entendre des promesses tant et tant de belles choses qu’ils se demandent encore s’ils n’ont pas été trompés, dans leurs naïvetés, par leur imagination. De toute façon, les locuteurs, en rangs disparates mais dans un ensemble presque parfait, ont disparu dès que les résultats ont été connus. Les mêmes mots ont été répétés.

Les mêmes promesses ont été claironnées par les mêmes (ou d’autres) autour d’un même programme, programme unique, strict et éparpillé à travers le territoire national, division cellulaire oblige, suivant une même voie pour obtenir le plus grand nombre de voix. On prend les mêmes et on recommence !

Le maître d’œuvre de ce concerto est d’une maestria exemplaire !

Et pour ceux qui disposent d’un téléviseur, il arrive des fois que ce “beau parleur” apparaisse sur les écrans, le temps qu’on le reconnaisse. On les voit soudent circuler dans les belles voitures mises durant leur mandat. Des voitures particulières que le menu peuple ne trouvera sur les marchés qu’à la fin du mandat, lorsqu’elles auront donné de grands signes de … fatigue, les pièces de rechange pour ce genre de voitures demeurant introuvables ! Et les “K 70” ont fait leur temps, pour ceux qui s’en souviennent !

Si l’on revient au temps présent, il serait étonnant de constater que le même processus est toujours en vigueur, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les électeurs boudant de plus en plus les bureaux de vote, les “candidats à l’élection” n’ayant même pas besoin de mener leur campagne, tambour battant et ménageant leur salive pour des joutes oratoires plus monnayables une fois le fameux siège acquis et occupé ! Car, c’est là que les “voix” comptent et la “voie” est toujours ouverte pour la collecte des “voix”, le nombre obtenu influant sur la “voie” à suivre ! Aujourd’hui, les “K70” ont cédé leur place aux “Croma”. Les “élus” peuvent fort bien être les mêmes, les “voix” et les “voies” auront toujours changé.

Est-il possible de connaître un “élu” ? “Mais, bien sûr, mon père ! Tu l’as eu comme camarade de classe ! Il a longtemps été ton voisin !” “Comment, mon Dieu ! Est-ce possible ?”

Nul n’est besoin de chercher après l’élu, il aura changé d’adresse, entre-temps, l’on ne croise plus sa nouvelle voiture et il n’apparaît que rarement à la permanence. Car, maintenant qu’il est “élu”, il vit dans un autre monde, un monde auquel ceux qui votent – et ceux qui ne votent pas – n’appartiendront qu’en apparence.

Sofiane Mecherri

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