De Cirta à Constantine : le Rocher de la résistance

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(suite et fin):

Sur ce point, la conquête de Constantine lui parut d’un intérêt suprême aussi bien sur le plan stratégique que sur le plan psychologique. Il concentra ses moyens à Annaba et le chef d’escadron Yousouf, nommé le 21 janvier 1836, bey de Constantine par l’autorité militaire en remplacement de Ahmed Bey, organisa toute la logistique de cette expédition.

La prise de Constantine et la résistance populaire

Ce dernier mobilisa 450 mulets, chevaux et chameaux et des troupeaux de moutons enlevés aux tribus de Annaba. Le 29 octobre 1836, le duc de Nemours débarqua à Bône (Annaba) et, deux jours plus tard, le maréchal Clauzel vint en personne prendre le commandement du corps expéditionnaire qui comptait 7 410 hommes de troupes français et 1 356 Turcs et autochtones. L’ordre de marche fut arrêté et le maréchal donna l’ordre de départ. Le 15 novembre, les troupes campèrent à Guelma. L’espoir d’une soumission facile de la population de Constantine fut miroité par le faux bey Yousouf. Le gouverneur  » était trompé sur les dispositions des tribus en faveur de notre bey. Et il comptait trouvait des secours de toutes sortes de la part de nos auxiliaires. On croyait que généralement notre armée n’aurait qu’à se montrer pour obtenir la soumission de la plupart des tribus et que, les autres, fatiguées de la tyrannie odieuse d’El Hadj Ahmed, garderaient une neutralité indifférente. (…) Mais, quand elle prit position, le 21 novembre 1836, sous les murs de Constantine, elle avait déjà supporté des torrents de pluie mêlés de grêle et de neige. Les bagages enfoncés dans une mer de boue n’avaient atteint le bivouac qu’avec les plus grandes difficultés. L’hiver qu’on avait cru jusque-là si doux en Afrique, s’annonça tout à coup avec des rigueurs inouïes. Le froid devenait de plus en plus vif et le pays était entièrement dépourvu de bois. La position de Constantine, sur un rocher élevé, entouré par un Rhumel qui coule dans des ravins très profonds, n’était abordable que d’un seul côté. En reconnaissant ces obstacles dont on n’a pas pressenti toute la gravité, le maréchal Clauzel ne se sentit pas découragé. Bercé encore par les illusions que les promesses de notre bey avait fait naître dans son esprit, il espéra qu’une attaque vigoureuse déterminerait les partisans que nous avions dans la ville à agir et amener la reddition de la place. On apprit qu’El Hadj Ahmed avait quitté la ville et qu’il avait confié sa défense à son lieutenant Ben Aïssa, avec un corps de fantassins kabyles sous ses ordres « .

Dans la nuit du 23 au 24 novembre 1836, deux attaques furent dirigées simultanément contre deux portes de la ville, l’une commandée par le général Trézel, l’autre par le lieutenant-colonel Duvivier. Toutes les deux échouèrent et des dizaines d’officiers français furent tués. Les colonnes durent battre en retraites et retournèrent, blessées et humiliées, sur Guelma, puis sur Annaba.

Ce n’est qu’en octobre 1837, après la conclusion des Accords de la Tafna entre l’émir Abdelkader et le général Bugeaud, ratifiés le 30 mai 1837, que la deuxième expédition de Constantine fut enclenchée. Le 17 juillet, un camp a été établi à Medjaz El Ahmar, près de Guelma, par le général Damrémont. Le 20 septembre, le bey El Hadj Ahmed attaqua le camp avec des troupes évaluées à 10 000 hommes. Après plusieurs jours et des échanges nourris de coups de feu, les éléments du bey se retirèrent. Le 1er octobre, les troupes françaises à la tête desquelles se trouvait le duc de Nemours avancèrent sur Constantine qu’ils rallièrent le 6 octobre. Le capitaine Crette témoigne :  » En se trouvant sur ces lieux où leurs camarades avaient essuyé de si terribles fatigues, nos soldats sentirent redoubler leurs ardeurs. On se mit à l’ouvrage avec un zèle que le mauvais temps ne put ralentir. Dans la journée du 9 octobre, trois batteries étaient armées sur le plateau de Mansourah et ouvrirent le feu. On établit ensuite une batterie de brèche à 400 m des murs de la ville du côté de la porte appelée Bab El Oued. Le 11, elle était achevée. Avant de commencer à battre en brèche, le gouverneur général envoya un parlementaire pour engager les habitants à se rendre. Le 12 seulement, on connut la réponse des assiégés qui refusaient de capituler. Dans la nuit du 11 au 12, une nouvelle batterie a été construite à 150 m de la place. À huit heures et demie du matin, le général Damrémont, accompagné du duc de Nemours et de son chef d’État-major, se rendait au dépôt des tranchées pour y examiner les travaux de la nuit, quand il fut atteint d’un boulet dans le flanc gauche ; il tomba mort sans proférer une parole « .

Constantine ne sera prise, le 13 octobre 1837, qu’après que les troupes de El Hadj Ahmed Bey eurent tué le général Damrémont, le général Perreguax, le colonel Combes, les commandants Vieux et de Sérigny et des centaines d’autres officiers subalternes et soldats ennemis. En tout cas, le capitaine Carette témoigne d’une résistance inouïe développée par les populations de Constantine contre l’attaque de leur ville par l’armée française.

Il faut dire que tous les moyens humains et matériels que l’armée d’occupation possédait au Centre et à l’Ouest de l’Algérie, en plus des renforts qui arrivèrent de la métropole, étaient mobilisés pour le siège de Constantine.

Amar Naït Messaoud

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