Le kif, l’alcool et…l’épée

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Ce qui nous intéressait plutôt, c’était de vivre ce métier de l’intérieur et de comprendre comment cette nouvelle génération de flics se comporte face aux multiples risques représente que leur fonction. Ce que nous voulons surtout savoir, c’est la façon dont ces jeunes policiers peuvent varier leurs compétences en alternant simultanément les affaires de terrorisme de criminalité, de délinquance et de sécurité publique… et rentrer le soir chez eux pour s’offrir, quand il le peuvent bien sûr, une bonne nuit de repos bien mérité.

C’est à 21h tapantes que nous atterrissons au siège de la Sûreté de wilaya de Tizi-Ouzou. Quelques confrères, également conviés à cette virée nocturne en compagnie des hommes en bleu, nous ont déjà précédé. L’immense hall de l’entrée de l’immeuble grouille de monde, tous de bleu vêtus. Il faut dire que c’est le branle-bas de combat car la sortie commence dans quelques minutes.

Les policiers achèvent leurs ultimes préparatifs, On prépare les voitures, on met les pistolets dans les étuis, on s’appelle mutuellement, et on attend le signal du chef.

Nous nous arrachons momentanément au brouhaha du rez-de-chaussée, le temps de faire connaissance avec l’officier de police judiciaire chargé de la mission du jour.

L’entrevue se déroule dans le bureau de ce dernier. M. Bouadda ( puisque c’est de lui qu’il s’agit ) nous explique, très brièvement les objectifs de la sortie et les délinquances ciblées, sans mot dire sur l’intinéraire à emprunter. Il nous conviera, par la suite à le suivre dans un bureau adjacent pour nous faire un petit exposé sur les dernières techniques d’identification criminelle dont la police algérienne a acquis la technologie récemment. Il s’agit, notamment du fameux système”Sirpal” (Système d’identification de recherche de la police algérienne) qui permet à chaque enquêteur, dans les 48 sûretés de wilaya du pays, d’accéder à des fichiers confidentiels dans lesquels sont répertoriées toutes les personnes recherchées sur le territoire national. Leurs signalements même les plus anodin, sont mentionnés dans ce fichier. Il suffit de taper le nom de la personne recherché pour avoir tous les éléments recherchés. Le même système est également utilisé pour répertorier les véhicules recherchés, signaler les entrées et les sorties des etrangers, ce logiciel a encore bien d’autres exploitations. Mais la fierté de la Police nationale réside en ce système (dont on dit qu’il est très performant) et que les flics appellent le “SIRC”, système d’identification de la recherche criminelle. En gros, c’est une banque de données enregistrant les détails physique et les antécédents judiciaires de la personne, ce qui permet, lors de chaque dépôt de plainte de déterminer, sur le champ, si la personne impliquée est connue ou pas des services de sécurité. “Le cours” de l’officier allait s’étaler de la sorte pendant une bonne cinquantaine de minutes. Les explications fournis sont trés intéressantes certes, mais c’est le terrain qui nous tente le plus. Nous ne quitterons le siège de surete de wilaya qu’aux alentours de 22h. La sortie peut, enfin, commencer.

Drogue, délinquance et criminalité en tous genres

Pour les besoins de l’opération, tous les services de la PJ ont été mobilisés. Les éléments de la BEF (Brigade économique et financière), de la criminelle, et de la répression du banditisme ont été déployés pour nous accompagner. Il ont tous un dénominateur commun : la jeunesse et l’engouellement. Sur la trentaine d’hommes qui s’apprêtent à effectuer la descente à nos côtés, aucun ne dépasse la trentaine. Pourtant leur comportement dégage d’indéniables signes d’assurance. Ils ne se bousculent pas, ils ne s’affolent pas et leur regard ne trahit aucune anxiéte. On saute alors dans une 406 blanche et on rejoint le cortège formé de neuf véhicules.

Destination Draâ Ben Khedda

Contrairement à ce qu’on pensait, ce n’est pas par l’entrée Est de la ville que nous accédons à notre destination. Le cortège a roulé sur la RN 12 jusqu’au point menant vers Sidi Nâamane, puis a fait demi-tour. L’officier Yazid, qui ne nous a pas lâché d’une semelle durant toute la soirée, nous explique que ce détour a pour objectif de ne pas attirer les regards “ Si nous rentrons en fanfare, toutes nos cibles auront disparues. Les unes auraient averti les autres, et on risque d’effectuer une sortie à blanc… “ ironise-t-il. A l’entrée de la ville, tous les véhicules s’immobilisent soudain sur la droite de la chaussée. Quelque minutes à peine se sont écoulées et on aperçoit déjàl’importance portière métallique de l’unité BMPJ de Draâ Ben Khedda s’ouvrir pour que des unités de renfort nous accompagnent.

Le cortège a considérablement grossi. Il est maintenant à une vingtaine de voitures. Le nombre d’éléments s’apprêtant à prendre part à l’opération s’élève à près d’une centaine. D’ailleurs, pour effectuer la première descente, les effectifs se sont scindés en deux groupes. La jonction fut tout simplement spectaculaire : les voitures des policiers, jusque-là très discrètes s’arrêtent bruyamment. Les hommes en bleu descendent rapidement et cherchent des yeux une cible potentielle.

Soudain, quelques jeunes, apparemment pris de panique à la vue de cet impressionnant déploiement policier, se mettent à courir…aveuglement. La course-poursuite est lancée. Les policiers courent après les fuyards tandis que des 4×4 encadrent l’opération, histoire de ne pas couper les homme de leur base arrière.

Dans l’obscurité on aperçoit derrière un épais nuage de poussière soulevé par les 4×4, l’officier Yazid notre accompagnateur en train d’immobiliser le jeune qui a pris la fuite. Les policiers sont convaincus qu’il s’agit d’un vendeur de stupéfiants, mais ils n’ont rien trouvé sur lui. Le flair de Yazid et de ses collègues allait être payant. En fouinant dans les parages et notamment sur l’étendue du “parcours” pris par le jeune dans sa fuites, ils découvrent une sacrée quantité de kif, dont le propriétaire s’est débarrassé à la vue de la police. Le mis en cause sera immédiatement arrêté pour possession et vente de drogue. 20 bâtons d’une valeur de 200 DA chacun ont été saisi. Au même moment et alors qu’on continue d’ “assagir” le suspect, une deuxième patrouille pédestre s’enfonce dans les quartiers avoisinants. Une fouille systématique est effectuée sur chaque suspect. 8 jeunes seront également arrêtés dont un mineur, pour consommation de boissons alcoolisées dans un lieu public et détention de stupéfiants.

Tizi, la ville de tous les dangers

Au commissariat de Draâ Ben Khedda, et alors qu’on effectuait les derniers examens de situation des personnes appréhendées, les crépitements des talkie-walkie se sont soudain intensifiés. Quelques officiers dont les expressions du visage laissaient deviner certains signes d’inquiétude, se retirent pour s’échanger quelques mots à basse voix. Renseignement pris, il s’agit d’une alerte. Deux coups de feu auraient été entendus près de Boukhalfa. Quelques unités sont désignées pour partir en explorateurs. Nous décidons de les accompagner. Le lieu indiqué est atteint en cinq minutes, les policiers s’arrêtent, guettent les alentours et observent un silence religieux. Seules les radios sont audibles.

Les armes sont dégainées et les mouvements se font prudents. La situation allait demeurer ainsi pendant quelques minutes puis c’est le relâchement. L’officier lance un RAS par radio, et nous somms rapidement rejoint par le reste du convoi. Les policiers décident alors d’installer un point de contrôle inopiné sur le pont de Boukhalfa, puis on lève les voiles, destination la gare ferroviaire de Tizi Ouzou. Agissant sur renseignements précis, les hommes en bleu veulent surprendre un groupe de malfrats ayant élu domicile dans le coin depuis plusieurs mois. On y atterrit tous feux éteints. Pour s’assurer d’une bonne prise, les policiers observent de strictes consignes. Pas de radio, pas de mots et pas de bruits. C’est les éléments de la brigade des stupéfiants qui mènent l’opération. Ils accèdent à la gare via lotissement Bouaziz. Les 4×4 de la BMPJ, elles, se chargeront de surprendre le groupe suspect depuis le boulevard Stiti. La descente fut spectaculaire ; des cris violents et rageurs somment les suspects de s’immobiliser, la fouille au corps est systématique, aucun membre du groupe n’a pu échapper. L’opération est exécutée avec une cohésion quasi-parfaite. Six individus seront arrêtés. Les policiers n’ont rien trouvé sur eux, mais demeuraient convaincus qu’ils se sont débarrassé de la drogue dès qu’ils ont aperçu les 4×4.

A partir de minuit c’est toute la ville de Tizi Ouzou qui sera passée au peigne fin. Les quartiers chauds sont visités d’une manière inopinée. Les arrestations sont effectuées. Les armes blanches (épées, couteaux, bombes lacrymogènes…) ont été saisi à la Nouvelle-Ville. Le rythme effréné de descente infernale allait se poursuivre jusqu’à la fin de la mission.

Yazid, notre accompagnateur semblait éreinté, mais tout comme ses collègues très satisfait de la sortie. “ça sera comme cela chaque jour que Dieu fera…!”, nous lança-t-il comme pour affirmer son attachement à son métier. “L’essentiel pour moi, conclu-t-il “c’est de dormir chaque nuit sur nos deux oreilles. Je n’ai jamais porté atteinte à ma conscience professionnelle;”. Yazid comme tous ces jeunes officiers qui nous ont accompagné, fait partie de cette nouvelle génération de policiers convaincus de la noblesse de leur métier.

Ahmed B.

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