Si vous vous posez la question à propos de l’origine de l’existence du jour et de la nuit, qui se suivent sans jamais faillir depuis des millénaires, et que vous n’avez pas de réponse. Voici à ce propos ce que dit un conte kabyle.Lors de la création du monde par Dieu, le temps passait, mais il n’y avait pas de distinction entre le jour et la nuit. Soit il y avait de la clarté, soit de la pénombre durant des temps indéfinis.A cette époque où, l’incertitude régnait, vivait un homme qui avait deux enfants. l’aîné s’appelle Idh (la nuit) et le benjamin As (le jour).L’homme était pareil à certains animaux, telle la tortue «ifkar» qui pond ses œufs dans le sable et les abandonne, sans jamais assister à l’éclosion de ses petits. Après avoir procré deux garçons, il les laisse dans le giron (ichimi) de leur mère et ne s’occupe guère d’eux. il ne les initie à rien. Ils ne savent ni chasser, ni pêcher, ni cultiver la terre. Un jour sans que l’on sache pourquoi, le père mourut alors que ses deux enfants étaient encore en bas âge.Leur mère eut toutes les difficultés du monde à les élever. Et, comme un malheur ne vient jamais seul, leur mère décède à son tour avant qu’ils n’atteignent leur maturité physique. Les deux frères vécurent sept ans dans un dénuement total. Un jour, le miracle se produit, un ange venu du ciel vient les voir dans leur chaumière et leur dit :- «Ichiâ iyi-d rebbi ghorouenD’achou thevgham aoun ikhd’em»(Dieu m’envoie chez vous pour exaucer vos vœux).Les deux jeunes hommes sont effrayés par l’apparition, mais très vite ils se ressaisissent. Ils comprennent les enjeux et font des vœux. L’aîné dit :- «Vghigh ay iqadren medden ad’ sâough laâqel its miyizen»(Je souhaite le respect des gens, sagesse et discernement).Le cadet dit à son tour :- «Vghigh laâqel lâli ad’ iâd’en d’i rebbi»(je souhaite l’intelligence appropriée afin de pouvoir prier).Les souhaits qu’émettent les deux frères plaisent à Dieu. Pour qu’il n’y ait pas de conflit entre eux, Dieu affecte les travaux nocturnes à Idh (la nuit) car il est l’aîné.La nuit, il peut la passer à réfléchir à toutes les questions de la vie. Au cadet (As) il affecte les travaux diurnes afin qu’il puisse travailler et prier. Une fois les tâches réparties, Dieu remet à l’aîné (Idh) une grosse pelote de laine noire, qu’il devra dérouler durant six heures et enrouler durant six autres heures.A l’issue de ce travail de six heures les ténèbres s’estompent. Dès que le soleil paraît, le cadet (As) prend le relais. Au lieu d’avoir une pelote de laine, comme son aîné, le cadet eut entre ses mains une pelote de couleur blanche. Il la déroule lui aussi durant six heures et l’enroule durant six autres heures. A l’issue de ce travail, la clarté du jour s’efface au profit des ténèbres et ainsi de suite. Les travaux étant bien répartis entre les deux frères, personne n’empiète sur l’autre. C’est depuis ce judicieux partage qu’existent la nuit et le jour qui durent chacun douze heures et à eux d’eux font vingt-quatre heures. Les prénoms des garçons sont utilisés depuis pour désigner par Idh (la nuit) et par As (le jour) qui se suivent immuablement depuis la nuit des temps.«Our kefount eth h’oudjay inou our kefoun ir den ts emz’ine as n-elaid an en etch ak’ soum ts h’emz’ ine ama n g’a thiouenz’ iz’ ine.»(Mes contes ne se terminent comme ne se terminent l’orge et le blé. Le jour de l’Aïd, nous mangerons de la viande et des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).
Benredjal Lounes