Le doux enfer hellénique

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La chronique de Slimane Laouari

Comme il est connu que nous sommes le pays des extrêmes, la météo n’a pas voulu se tenir à l’écart de ce statut qui fait tant notre réputation. Après un orage qui nous a fait craindre le pire, voilà que l’été entame un second souffle avec des températures d’enfer, alors que tout le monde croyait qu’il avait, de fort belle manière d’ailleurs, amorcé son déclin. Il fait tellement chaud que la rumeur sur la santé de Bouteflika se voit reléguée au second plan du hit-parade des sujets de discussion des Algériens. Ils ne savent pas d’où nous viendra la pomme de terre avec laquelle Belkhadem compte inonder le marché, mais ils savent d’où nous parvient cet air brûlant qui nous étouffe. Il n’y a aucun doute, l’enfer, comme toujours, nous vient d’ailleurs. La Grèce, dont la proximité vient d’être découverte dans le malheur, est sur toutes les lèvres.Comme il fallait bien quelque raison de parler de ce pays si proche et si lointain, la voilà, toute trouvée, une bénédiction du ciel. Les incendies qui ravagent le pays d’Aristote nous font bénéficier de leurs effets secondaires. Devant toutes les portes cochères d’Alger, sur les rochers de la côte et sous les arbres devenus inutiles, le propos est sans nuance, la sentence définitive : nous sommes un dommage collatéral de la Grèce. Il faut bien échanger quelque chose avec ce pays pour concrétiser notre « méditerranéité » mal assumée. Comme il faut aussi diversifier nos sources d’énergie, quoi de plus normal que de revendiquer notre part de chaleur de ce méga brasier qui, ce qui ne gâte rien, présente l’avantage d’être gratuit ? Il faut une sacrée dose de génie pour aller récolter un trésor qui se perd dans les cieux, comme çà, sans effort, presque par inadvertance. Devant les portes cochères, sur les rochers et sous les saules pleureurs, le génie est à portée de main.

Et le génie dans ces contrées est de faire toujours compliqué d’aller aussi loin que possible chercher quelque chose qui vous colle à la savate. Elles sont trop faciles et elles manquent de piment les explications savantes. Trop fades les incendies quand ils nous arrosent d’air chaud

A partir de Djebel Bouzegza ou des forêts de Kabylie. Il nous faut de la chaleur importée. ça change d’importer ce qu’on a le plus. Après les oranges, les pastèques et les raisins, voici venu le tour de la chaleur. Mais l’objectif suprême est bien sûr de parvenir un jour à importer du pétrole. Ce sera le sacre final, l’apothéose. Le problème est qu’une fois ce rêve devenu réalité, il va être difficile de squatter encore les portes cochères, les rochers et l’ombre des sols pleureurs.

S.L

PS : Au moment où j’allais terminer cet écrit, j’apprends que des dizaines d’incendies sont signalés en Kabylie, à Chlef, Annaba et Batna. Dommage pour les papoteurs qui vont bien être obligés de se contenter dès demain de «la production locale».

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