Les jeunes couples interpellés dernièrement sur » la promenade » d’El Kettani à Bab El Oued ne sont sûrement pas en âge de se souvenir de la fameuse » campagne d’assainissement » de triste mémoire, mais ils n’en ont pas besoin. Les » repères » dans la jeune Histoire de leur vie qui leur rappelle que se tenir par la main, oser un câlin ou simplement une discussion à l’écart de la foule peuvent se transformer très vite en délit. Cycliquement, des descentes de moralisation sont décidées dans des commissariats ou brigades de gendarmerie, à moins que ce ne soit à un autre niveau de la hiérarchie. Le palier de la responsabilité où sont prises ces décisions importent peu de toutes les façons puisqu’elles se situent en dehors de la loi et se transforment toujours en » initiatives individuelles maladroites » des fois qu’elles soulèveraient quelque réaction révoltée. De jeunes couples donc, ou » des femmes seules « sont régulièrement persécutés, humiliés et désignés à la » honte populaire » ou » familiale” pour un moment d’intimité ou souvent moins que ça sans que cela ne suscite la moindre indignation. Et s’il y a faiblesse ou absence de réaction, c’est que les choses ne sont pas si simples. Elles sont même beaucoup plus compliquées. Un peu comme dans l’histoire du harcèlement sexuel où il en coûte aux femmes victimes plus en se plaignant qu’en se résignant à subir en silence, la répression des jeunes couples peut continuer sans gros risque. Parce que cette répression commence d’abord dans la société, certains détenteurs de l’autorité que leur » confère la loi » ne voient pas pour quelle raison ils se priveraient d’un plaisir éprouvé par » conviction religieuse » ou par revanche de frustré. Et ce qui ne gâte rien, il y a toujours un argument » légal » pour couvrir des opérations dont tout le monde connaît pourtant la véritable nature et la motivation profonde. Ce n’est pas la fabrication d’un » alibi « , même si le besoin s’en ressent rarement, qui doit être difficile pour un officier de police.
C’est flagrant, mais ça passe toujours. Les sujets d’interrogatoire n’ont systématiquement rien à voir avec les arguments présentés à postériorité pour justifier l’intervention, mais on ne va pas se triturer les méninges, c’est déjà beaucoup de se sentir obligé de se justifier une fois les trente-six du mois.
De toutes les façons, il y a toujours un couple d’escrocs en recherche ou un réseau de prostitution clandestine à démanteler, même si les jeunes conduits dans des commissariats ou les brigades de gendarmerie se voient plus sermonnés pour leur conduite dévergondée contraire à la morale et à l’Islam que questionnés sur des affaires criminelles censées justifier leur interpellation. Quand on est convaincu qu’il est possible d’agir en dehors ou contre la loi dont on est censé être l’incarnation, c’est se faire violence que de s’expliquer par l’argument légal. Surtout quand il n’y a pas grand monde à nous le demander.
S.L
P. – S. : » Il faut habiller vos enfants avec des vêtement simples et pas chers. Il est plus valorisant de les pousser à être les meilleurs de la classe que de les couvrir d’effets de grande marque « , s’essoufflait l’autre jour à nous convaincre un haut fonctionnaire du ministère des Affaires religieuses et prêcheur à l’occasion sur les ondes de la Radio. Je suis curieux de voir ses rejetons le jour de la rentrée des classes.