Terrorisme ordinaire en quête d’éclat

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La bombe de Batna n’a peut-être pas atteint l’objectif politique et médiatique que lui ont fixé ses commanditaires, mais elle a quand même tué une vingtaine de personnes, blessé cinq fois plus et fait parler d’elle là où on l’attendait. Comme il est rarement demandé à un kamikaze d’être précis, les chefs terroristes vont se contenter du résultat obtenu. Si l’objectif était d’atteindre le président de la République avec toutes les implications politiques que cela suppose, ils doivent maudire à n’en plus finir  » l’amateurisme  » de ce jeune qui a paniqué au premier regard suspicieux pour lâcher son engin meurtrier au milieu de pauvres bougres venus applaudir au passage de Abdelaziz Bouteflika. Première évidence, le GSPC ou Al Qaida- Maghreb, qui a la prétention de combattre le régime algérien, avait besoin d’une action d’éclat, mais pas seulement. Il avait aussi besoin de quelque chose qui rappelle la nature politique de son  » combat  » qui ne fait plus illusion depuis longtemps. Même si les Algériens sont relativement épargnés par les massacres collectifs-procédés présentés par le GSPC comme point de rupture avec le GIA- ils savent qu’ils ne le doivent qu’à l’affaiblissement des moyens du terrorisme et à l’amélioration des capacités de lutte des services de sécurité. Ils le savent d’autant plus qu’ils sont régulièrement sollicités pour des  » contributions  » financières par le racket ou la rançon des enlèvements. Et un attentat contre le président de la République pouvait présenter l’avantage du  » deux en un  » : (re) ennoblir un djihad terni jusque chez les plus proches et démontrer qu’on a les moyens de frapper l’ennemi au plus haut niveau de son incarnation. Or, l’attentat de Batna n’a visiblement atteint aucune de ses cibles. Parce que quelles que soient sa barbarie et son apparente irrationalité, le terrorisme a sa logique- politique- et ce serait le dédouaner ou lui trouver quelque circonstance atténuante que de ressasser, naïvement ou à dessein, qu’il est aveugle. S’il s’agissait uniquement de  » faire mal  » et démontrer qu’il  » a encore des capacités de nuisance », le GSPC n’aurait pas pris autant de risques pour un résultat hypothétique. Si l’utilisation de kamikazes est destinée à faire étalage d’une certaine détermination et force de conviction, elle est aussi un signe de mauvaise santé militaire. A Batna comme ailleurs, l’ampleur des dégâts et sa médiatisation peuvent avoir compensé le reste, mais le GSPC ou Al Qaida- Maghreb donne de plus en plus l’impression de s’installer dans le  » terrorisme ordinaire « . Piètre consolation, parce que la terreur n’est jamais ordinaire, mais consolation quand même.

S. L.

P. – S. : En compagnie de quelques amis, c’est à une table agréable et généreuse que j’ai appris l’attentat de Batna. Je ne sais si c’est par réflexe de journaliste ou d’homme tout simplement, que j’ai abandonné ce moment de plaisir pour me précipiter chez moi pour plus d’information. Désillusion, les trois chaînes de télé algériennes continuaient, imperturbables, à diffuser feuilletons et variétés. J’aurais dû écouter mon ami Mahfoudh qui a insisté pour que je reste, avec cet ultime argument :  » De toute façon, tu auras plus d’informations ici que sur l’ENTV « .

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