Au Maroc comme en Algérie, la nouvelle arme des électeurs est désormais toute trouvée. L’abstention, comme moyen de mettre à l’abri du détournement les voix des électeurs ou comme moyen de fortune d’expression politique de manière plus générale, semble faire recette.
De paramètre d’analyse ou outil d’appréciation, elle représente maintenant un enjeu, pour ne pas dire » l’enjeu » des rendez- vous électoraux pour les pouvoirs en place en ce sens qu’il n’y a pas mieux qu’une participation massive pour compenser un déficit de démocratie et crédibiliser des scrutins toujours frappés de suspicion. Conjuguée au doute sur la transparence et la loyauté des élections dans leur préparation, leur déroulement et leurs résultats, la désertion des urnes est pour des millions de citoyens désabusés de ces pays l’arme fatale.
Elle est non seulement redoutée par ceux qui sont déjà aux affaires qui préféreraient quand même y rester en fraudant avec le plus grand nombre, mais aussi par des oppositions en mal d’ancrage qui se sont toujours consolées en s’auto-attribuant la majorité silencieuse.
On connaît la tempête soulevée par l’indigence du taux de participation aux dernières élections législatives algériennes, on devine aujourd’hui le sens à donner à la décision de soixante-quatre pour cent des électeurs marocains de partir à la plage le jour du scrutin. Si le Maroc n’est pas l’Algérie, trop de similitudes – dont certaines sont conjoncturelles, il est vrai-nous ramène à la réalité : l’Algérie et le Maroc partagent plus d’éléments de maintien du statu quo que d’espoirs de changement.
Le score inattendu de deux formations centristes –le Mouvement populaire et le Rassemblement national des indépendants-nous rappelle la « montée » du PT et du FNA, la persistance d’un mouvement islamiste » modéré » dans une position assez confortable au sein des leviers du pouvoir et la faiblesse dramatique des forces de progrès susceptibles de constituer une sérieuse alternative aux systèmes en sont les ingrédients les plus apparents, mais il y a autre chose. D’abord cet islamisme de société dont tout le monde semble s’accommoder sous prétexte que nous sommes en terre d’Islam, ou pire, parce qu’ » apolitique « , il pourrait endiguer l’intégrisme d’essence insurrectionnelle.
Et par-dessus tout, cette propension des deux pouvoirs à jouer aux arbitres quand il leur est demandé de faire des choix. Plus précisément un choix, celui de la modernité.
S.L.
P.-S. : Auteur du livre » Quand le Maroc sera islamiste « , Nicolas Beau a interrogé un ancien responsable des services secrets français qui lui a dit entre autres ceci : » Ce n’est pas moi qui achèterais un Riadh au Maroc. »
Beaucoup de Français le font à sa place, mais eux, ne savent pas ce qu’il sait, lui qui ne voit pas que le Maroc des touristes.