Site icon La Dépêche de Kabylie

Une femme absolue

Une femme absolue, c’est le moins qu’on puisse dire de cette chanteuse hors du commun qui a élevé la chanson arabe jusqu’aux plus hautes cimes de la divinité avec une voix aussi inqualifiable, aussi intemporelle et aussi “inatteignable” que les rêves qu’elle nous fait faire en chantant.

Sur scène, c’est la reine incontestable du monde évanescent de la poésie. En tenue excentrique traduisant ses origines arabes et la pureté de son âme, elle lâche la bride à sa voix inégalable pour nous conter la nostalgie, l’amour, la mélancolie et le dépaysement de son peuple.

Ainsi, en écoutant les chansons de Fairouz, on arrive non seulement à adorer sa voix mais aussi à voyager, à nous remettre en question et surtout à constater l’ampleur de la petitesse de l’Homme dans ce vaste monde.

Fairouz chante tout, sans réserve et sans crainte. Le nationalisme comme l’errance, l’amour impossible comme l’amour heureux, le bonheur comme le chagrin. Elle ne s’impose ni ligne artistique à suivre ni modèle poétique à respecter. On peut, en effet, admirer ses chansons en arabe classique comme celles écrites en arabe dialectal libanais ou bédouin. Sa voix réussit toujours à rendre beau, lancinants et magiques tous les sujets de ses chansons, fussent-ils des plus banals.

La force de cette femme ne réside pas uniquement dans sa voix mais aussi de sa présence sur scène et, surtout, sur le choix des paroles (parfois tirées de l’ancienne poésie arabe) et, avant tout, la musique des immenses frères Rahabani.

Tout cela fait que le répertoire de Fairouz figure en tête de nos trésors musicaux immortels.

Cet ensemble obsédant de belle poésie, de belle musique, de divine voix et de forte présence attribue à Fairouz un trône suprême dans la chanson arabe, à l’instar de Oum Kaltoum et Abdelhalim Hafez.

Mais à la différence de ces derniers, Fairouz n’a pas un public restreint celui amateur des chansons d’amour qui récitent inlassablement le mal d’amour, la cruauté de l’aimé, la douleur de la séparation ou l’amour éternel.

Quand Fairouz parle d’amour, le public dépasse généralement le sujet de la chanson pour admirer la façon dont elle le chante.

Le choix des paroles joue encore un rôle décisif pour distinguer Fairouz des autres chanteurs de sa génération. Car, tandis que Oum Kaltoum chante l’amour défendu, douloureux ou heureux pendant une heure ou plus, Fairouz arrive à condenser tout le sens, le bonheur et la douleur de l’amour en des chansons courtes, légères et d’un effet salvateur sur l’oreille qui l’écoute et l’âme qui la respire. En plus des chansons d’amour, Fairouz ne se prive jamais de puiser ses paroles de la poésie arabe de l’époque préislamique, omeyyade, abbasside, andalouse et de la Renaissance moderne. Ainsi, un public amoureux de Abou Nawas, des « mouachahates » andalouses ou des vers de Jabran Khalil Jabran, trouvera les plus beaux et les plus riches poèmes qui doubleront de beauté et de richesses, chantés par une voix aussi angélique et rythmés par une musique singulière signée par les grands Rahabani.

En des nuits qui taisent le secret de l’amour

Aidées par l’obscurité si ce n’est la lumière des beaux visages

J’ai vu une gazelle aux yeux flamboyant et

dont les lèvres défiaient la douceur du miel

Qui s’est incrustée en moi comme le souffle et comme la vie

C’était au temps où l’Andalousie dansait sous la pluie

C’était au temps du rêve, de la paix et de la félicité

Sarah Haidar

Quitter la version mobile