Dans l’entretien accordé au quotidien ‘’El Khabar’’ (édition du mercredi 19 septembre), le ministre de l’Éducation, M.Boubekeur Benbouzid, revient sur l’auteur de l’attentat de Dellys, le kamikaze Nabil, en promettant de se rendre dans la région pour discuter avec la famille du terroriste. » Ce qui est arrivé à cet enfant-élève requiert de nous une plongée dans son milieu scolaire et familial. Nous ne pouvons pas passer sous silence une telle catastrophe. Il nous incombe d’en situer les responsabilités « . Il ne s’agirait pas, d’après le membre du gouvernement, d’incriminer une personne ou une structure donnée. » Il sera nécessaire de nous asseoir avec le directeur d’établissement (où Nabil suivait sa scolarité), les camarades de Nabil et ses enseignants pour que nous puissions nous arrêter sur les facteurs qui l’ont conduit au désespoir et, enfin, à l’opération suicide dans une caserne qui a causé des dizaines de victimes « .
En toute évidence, le ministre de l’Éducation tente de disculper l’école algérienne par rapport aux multiples accusations dont elle a fait l’objet depuis plus d’une décennie, à savoir que cette institution formerait des terroristes. Depuis que le président Mohamed Boudiaf a qualifié l’école algérienne de sinistrée, certains n’ont pas hésité à franchir le pas, à l’exemple de Mohamed Hardi, ministre de l’Intérieur du temps du HCE (lui-même assassiné par la horde terroriste), qui a déclaré sans ambages que ‘’l’école algérienne forme des terroristes’’.
Ceux qui ont porté de tels griefs à l’école algérienne ne sont pas évidemment atteints de délire. Des dizaines d’enseignants ont rejoint le maquis et des centaines de jeunes ayant quitté cette même école prématurément ont rejoint leurs enseignants au front. Si toute l’institution n’est pas à incriminer en tant que telle, des dérives dans les programmes de l’éducation religieuse et un déficit en pédagogie, principalement dans les matières des sciences humaines (histoire, géographie) censées nourrir le sentiment de citoyenneté et d’appartenance à une communauté, ont fait de l’écolier plus un sujet qu’un acteur au sein de l’institution scolaire. M.Benbouzid réfute la thèse d’une école qui ‘’forme des terroristes’’.
Pour dépasser les erreurs du passé, le ministre de l’Éducation veut assigner à l’école algérienne de nouvelles fonctions telles qu’elles sont arrêtées par la Loi d’orientation pédagogique, et ce parallèlement avec sa mission classique de transmission des sciences et du savoir. » Des efforts seront concentrés sur la formation de la ‘’conscience nationale’’ par le moyen de ‘’la mise en relief des valeurs de la société avec ses dimensions religieuses, culturelles, ethniques et historiques « . Le ministère compte, dans ce contexte, donner des directives à tous les directeurs des écoles en vue d’ » appliquer à la lettre le programme du ministère relatif à l’éducation civique, laquelle, avec d’autres mesures, est censée ancrer le principe de citoyenneté dans le cœur des enfants dès qu’ils prennent possession des bancs de l’école « .
Évoquant le travail de la Commission des réformes installée au début des années 2000 par le Président Bouteflika, M. Benbouzid dira qu’une sélection des propositions de cette Commission a été opérée. » Les autres propositions ont été carrément ignorées « , assure-t-il..
Des réformes qui appellent de nouvelles rémunérations
Concernant les augmentations salariales accordées aux enseignants dans le cadre des nouvelles grilles de la Fonction publique, le ministre de l’Éducation ne s’est pas prononcé sur le degré de satisfaction du personnel concerné. Il dira simplement que ces augmentations vont dans le sens du respect de ce qui a été discuté avec les syndicats.
C’est au cours de l’élaboration du statut particulier de l’enseignant que les syndicats sont attendus, selon le membre du gouvernement, pour apporter leur contribution. Contrairement aux appréhensions que certains syndicats ont exprimé dès la publication des nouvelles grilles salariales, M. Benbouzid assure que les secteurs de l’Éducation, de la Formation professionnelle et de l’Enseignement supérieur seront les plus grands bénéficiaires des augmentations des salaires du fait que ces secteurs sont touchées par de profondes réformes, lesquelles appellent impérativement des hausses de salaire.
Sinon, d’après Benbouzid, ses réformes manqueraient de sérieux. Selon la vision du ministre, les augmentations des salaires dont le secteur de l’Éducation a bénéficié au cours des deux dernières décennies ont, de part leur modicité, plutôt contribué à compliquer sa situation et à en faire le secteur le plus touché par les troubles à la fin des années 1990. Pour cette année, l’exercice budgétaire prévoit 12 000 nouveaux postes englobant tous les cycles de l’enseignement y compris des postes administratifs. 1 600 postes sont prévus dans la loi de Finances complémentaires de l’année 2007 et 10 960 postes sont programmés dans le cadre de la nouvelle loi de Finances (2008). » Cet acquis nous encourage d’autant plus que par le passé le gel des postes budgétaire était dû à des instructions du FMI « , souligne le ministre, en précisant que les déficits en enseignants de langue française et d’éducation physique sera comblé avec ce nouvel apport.
Dans son intervention, le ministre de l’Éducation se montre un fervent partisan du dialogue. De même, explique-t-il, » je militerai et lutterai pour que l’enseignant dispose d’une place privilégiée dans la société « . Il promet aux fonctionnaires de son département que ‘’le nouveau statut reflétera l’image réelle du professeur’’. À cette occasion, Benbouzid dément les rumeurs qui circulent dans les milieux syndicaux comme quoi le statut de l’enseignant serait déjà ficelé. » L’État a négligé le professeur et a tardé à le réhabiliter « , déplore le ministre, en ajoutant : » Il est impossible de procéder à des réformes sans que l’on résolve les problèmes socioprofessionnels de l’enseignant « .
Les problèmes spécifiques du secteur de l’éducation dans le Sud algérien feront l’objet de présentation devant le Conseil des ministres prochainement, révèle M.Benbouzid. Ces problèmes sont liés aux spécificités du climat qui font que, d’après le ministre, même les enseignants originaires de ces régions préfèrent travailler au Nord. Des incitations plus attractives seront proposées par le ministère y compris l’installation de climatiseurs dans toutes les écoles du Sud. Reste, précise Benbouzid, le problème de la consommation d’énergie qu’il faudra faire prendre en charge par le budget sectoriel.
Haro sur l’école privée
Pour ce qui est de l’école privée, M. Benbouzid n’a pas manqué l’occasion de la discréditer en déclarant que ‘’ses résultats sont faibles et non satisfaisants’’. » Toutes les études menées à ce sujet ont montré que la qualité de l’enseignement et l’excellence ne sont pas tributaires du recours aux programmes calqués sur l’étranger. Certaines écoles ont recours à des programmes d’enseignement étrangers aux composantes de la personnalité nationale. D’autres établissements privés, tout en respectant les programmes pédagogiques convenus, s’écartent néanmoins de certains points importants tels que les volumes horaires, l’importance accordée à une matière,…etc. (…)
Sur l’ensemble des 131 écoles privées agréées par l’État, seule une minorité d’entre elles voient leurs responsables respecter les orientations et les directives issues des statuts qui fondent ces établissements « . Le ministre de l’Éducation fait également état de » dépassements portant atteinte à la personnalité et à l’identité nationales » dont se seraient rendus coupables les responsables et gestionnaires de certaines écoles privées, sans pour autant donner les détails de ces ‘’dépassements’’.
Dans la foulée, il fait allusion à l’école privée Bendani d’Alger fermée par l’administration de Benbouzid à la fin de l’année scolaire passée. Cette école qui fait des protestations actuellement à Alger ‘’en exploitant des parents et des élèves pour faire pression sur le ministère’’ ne sera jamais réadmise à activer, selon le ministre, du fait qu’elle ne dispose pas d’agrément et qu’elle ait ‘’commis des fautes que l’on ne peut pas pardonner’’.
Amar Naït Messaoud
