L’invité

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…A une heure du f’tour, la table des Dezdeg est déjà au garde-à-vous et prête à servir sa chorba, ses diouls, sa dolma et tizemmit du grand-père. Jamais de mémoire de jeûneurs dezdeguiens, la maïda n’a été aussi bien garnie et, qui plus est, bien avant la minute de vérité, celle qui fait courir les ventres, iâeddisen, iâebbuden, icekriden, ikerciwen, lekruca …

La famille reçoit un invité : Nacerddine, un ami de Lamine les Deux Poils venu de Constantine. Dix minutes avant la rupture du jeûne, l’invité et Les Deux Polis arrivent. Nacerddine tient à la main une boite de gâteau. Le vieux Dezdeg est mal à l’aise. «D acu-t ben laden-agi ?», grommelle-t-il en voyant quatre poils, un nnisf saq, une babouche blanche et une boite de gâteaux s’avançaient vers lui. Nacerddine vise la tête du vieux. Voyant les lèvres de l’invité viser sa tête, le grand-père prend les devants en lui tendant une main molle. Chabane le postier, lui, lui serre franchement la main et lui souhaite la bienvenue. Politesse oblige, décontractée dans son sweet et son survet, Mina s’avance à son tour pour serrer la main de leur hôte. Nacerddine baisse la tête, serre ses poings ne sachant comment répondre à la salutation de la moutaberidja. S’interpose alors Lamine entre «le diable et le bon Dieu». Ouf ! Nacerddine le constantinois l’a échappé belle.

A l’exception des femmes, tous se mettent à table. Après une daâwa jamais enregistrée chez les Dezdeg, l’invité s’adresse au grand- père : «wac, ça va ya l’hadj ?» Le vieux n’a pu résister à l’envie de remettre le jeune intrus dans sa gandoura : «amek ? Et bien ça va yella tikwal. ma d l’hadj ulac et je ne pense pas ad yili, tant que les deux poils sont de ce monde…». Au même instant, le muezzin invite à attaquer la table. wA la surprise de tous, l’invité prend une datte, se lève de la table et demande à Lamine une zerbiya.

Sur ce, le vieux Dezdeg prend son plat de tazemmit, quitte à son tour la table et va dans la cuisine rejoindre Mina et Sekkura, sa belle-fille, en marmonnant : «tebra n tlata fi tlata ma rnigh-as dqiqa d Benladen !»

T.Ould Amar

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