Education civique

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l 11h25. Mina est en classe. Elle subit le cours d’éducation civique version barbéfélène. Le oustadh, la trentaine largement entamée et tristement coincée dans les années 70, déblatère, pérore, harangue, vocifère, dégoise, baragouine, débite, anathématise, fustige, profère, fulmine, s’indigne… et condamne el yed el khafia de l’homme invisible.

Comme dans la chanson de Lenorman, la benjamine des Dezdeg attend, bi farigh ssebr, la récré. Mais pas «pour aller au café boire un chocolat et puis l’embrasser». C’est ramadhan et c’est péché ! En attendant et pendant que le oustadh est au bord d’une crise hémorroïdale, elle découvre, à travers son MP3, Syphax. Oui, le groupe qu’on n’a pas entendu depuis 78 est de retour.

Aneft-asen, du dernier album, fait de l’effet à Mina. Elle ne retrouve pas dans la chanson et le reste de l’album le henounisme ambiant et la texture débile qu’endure la chanson kabyle ces derniers temps. Lhasun, Mina est transportée par Syphax au-delà des beaux nuages de là-bas. Elle est à trois années lumière du cours d’éducation civique. Son oustadh, lui, est en plein dedans : il s’agite, gesticule, se dandine, tangue, gigote, se trémousse, oscille, ondule, sautille, trépigne… Subitement, le oustadh se tait, s’immobilise, se raidit, se fige (ad as-t-ind d le mime Marceau), se coagule, se pétrifie, se momifie, se fossilise et…yeghli d tinegnint. Les 45 élèves de ST3 qui étaient sans voix, presque une heure durant, s’agitent dans tous les sens. Les filles accourent vers leur oustadh étalé sur l’estrade avec du parfum. Doubila, Mesmar et Fateh, les trois wekkalin remdan de la classe, dégainent les bouteilles d’eau minérale et s’approchent de leur prof d’éducation civique : «Laissez-nous passer ! Une djoumla moufida lui est restée en travers de la gorge…»

T.Ould Amar

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