»Matoub est notre père spirituel »

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Sa soutenance a provoqué un intérêt particulier au sein de l’université et particulièrement au département de tamazight, où c’est la première fois que ce genre de sujet tabou est abordé. A la fin de sa soutenance, elle nous accorde cet entretien.

La Dépêche de Kabylie: Pourquoi avoir spécialement choisi Lounès Matoub pour les travaux de votre mémoire ?

Djazia Megouda : Matoub Lounès est mon idole. Sa poésie me touche énormément. Je reçois parfaitement les messages qu’il essaye de nous inculquer à travers ses chansons. Dans notre famille, tout le monde l’écoutait dès son enfance. Quand j’avais trois ans, je fredonnais sans cesse le refrain de la chanson Lzayyer telha. J’étais et je suis subjuguée par sa voix. Je suis impressionnée par les sujets qu’il ose traiter comme celui de la déshérence. Je pense que tous les jeunes s’identifient à ses chansons. En ce qui me concerne, je suis également admirative de sa personnalité.

Pourquoi ?

J’admire son courage, sa sincérité, son honnêteté. Il disait la vérité, quelle que soit la blessure qu’elle pouvait provoquer. Je l’aime car c’était un Rebelle. Il n’était pas conformiste. Il m’est difficile de décrire et d’exprimer tout ce que je ressens en quelques phrases.

Comment le thème de la déshérence peut-il s’imposer à une jeune fille de vingt-quatre ans qui n’a pas eu à vivre ce genre de problèmes ? Je voulais aborder un thème inédit. Le phénomène de “Nnger” a été rejeté par la société. Elle a peur de lui. Matoub, par contre, non ! Il était pur et cette pureté lui a permis d’affronter ce mal avec courage et sincérité. J’ai senti sa douleur. Ce n’est pas de la pitié que j’éprouve à son égard. Il y a des cas dans ma région qui m’ont touchée aussi.

Quelle est la chanson sur ce thème qui vous touche le plus ?

C’est Tarewla. Il a utilisé des mots et des expressions profondes et émouvantes. Ces vers reflètent fidèlement ce qu’il ressentait. D’ailleurs, en commençant cette chanson, il dit « Sâu lkurage… » (Aies le courage de dire…). Citez-nous un passage que vous trouvez émouvant dans cette chanson… Quand il dit : «Ma drebbi ig-ttrezziqen, nek ur d iyi rziq ara» ou bien quand il s’adresse à son ex-femme : «Auhdegh kem am zal am yid, Ma tsugh kem xas s dderya». C’est dans cette chanson que sa douleur de ne pas pouvoir avoir d’enfants transparaît le mieux. En écoutant cette chanson, même une pierre éprouverait des sentiments. Cette chanson est l’une des meilleures après bien sûr, l’album Lmehna.

Comment parvenez- vous à vivre avec le vide que Matoub a laissé en Kabylie ?

J’écoute ses chansons. Personne ne peut combler le vide laissé par Matoub Lounès. Quoi que les artistes fassent, ils ne pourront pas le remplacer. C’est difficile d’être aussi sincère que l’était Matoub. Sans parler de sa voix, unique au monde. Matoub s’est engagé à fond. Il est mort pour ses idées et pour tamazight.

Donnez-nous le titre de la chanson de Matoub qui vous touche le plus dans son répertoire…

Il s’agit de l’une de ses première chansons : «Asmi id chegâan ad lsagh». Un texte où est décrite la solitude de l’appelé au Service militaire. Je ne sais pas pourquoi c’est cette chanson qui m’émeut le plus mais c’est ainsi. Je considère que la souffrance de tous les jeunes Algériens et Kabyles en particulier est exprimée dans cette chanson. Sans oublier la douleur de la mère au moment où son fils s’apprête à aller au Service militaire. Elle ne sait pas s’il va revenir ou pas. C’est une chanson qui fait pleurer. J’aime aussi de façon singulière tout l’album lmehna. En réalité c’est difficile de faire le tri car je suis marquée par toute son œuvre.

Un dernier mot ?

Matoub est notre père spirituel, à nous tous, jeunes Kabyles.

Entretien réalisé par Aomar Mohellebi

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