Il n’y a pas d’âge pour mendier. Le phénomène a dépassé tout entendement et ses ramifications ne connaissent pas de bornes. Vieillard, jeune fille ou enfant, cela importe peu, pourvu que l’on puisse tirer profit de ce phénomène. Comme partout – peut-être en Algérie – à Bouira le fléau de la mendicité a atteint des seuils intolérables
Le fait de tendre la main ne fait plus rougir de nos jours, comme au bon vieux temps où il était difficile même pour les plus intrépides, de quémander une croûte de pain sans se sentir amoindris. Vieil homme, jeune fille ou mère de famille traînant derrière elle ses rejetons, tout le monde se met au goût du jour et s’improvise donc mendiant pour échapper au piège de la délinquance et son corollaire la criminalité. Devant la montée vertigineuse du taux du chômage et le déficit alarmant que connaît le pays en matière d’emplois, il reste peu de chances aux jeunes et encore moins aux pères de famille, remerciés pour la plupart, de dénicher un petit boulot salutaire en mesure de les arracher à l’endettement, au vol ou à la mendicité. Les femmes et les jeunes filles sont les plus exposées au fléau de la mendicité, pour celles qui hésitent à tendre la main, pour une raison ou une autre elles se voient contraintes à d’autres déviations bien plus viles et plus dangereuses, telle la prostitution et ses dérivés.
Les enfants, cette catégorie fragile et innocente n’échappent pas, eux aussi, aux rets de la mendicité. Accompagnés de personnes adultes ou seuls, certains n’arrêtent pas de sillonner la ville pour tendre la main aux passants. Dans le quartier de la gare routière où se concentrent les voyageurs venus de différents horizons, un groupe d’enfants se rend chaque matin pour y mendier.
Elles sont deux gamines, âgées entre 10 et 13 ans accompagnées parfois d’un petit garçon à peine âgé de 6 ans. Munies de sachets ou de sacs à semoule vides, les petites descendent chaque matin vers la gare routière où elles passent le plus clair de leur temps à tendre la main aux passagers et aux voyageurs. Une fois devant l’arrêt des bus, le petit groupe se disperse et chacun va mendier de son côté. Avant d’entamer une première virée au marché des fruits et légumes jouxtant la gare, les enfants font d’abord une tournée entre les véhicules en stationnement pour repérer les étrangers qui sont pour eux des « proies » faciles. Ces trois petits mendiants ne font jamais du “sur place” comme cela se fait dans les quartiers du centre-ville, où on rencontre des femmes avec leurs enfants, des vieux et des personnes infirmes assises à même le sol et criant à tue-tête à qui veut bien les entendre. Pour déroger à «La règle», et esquiver le diktat du besoin, des centaines d’enfants, quand ils ne sont pas à l’école, s’affairent à aller ramasser les déchets recyclables pour les céder à un prix dérisoire ou encore vendre des sachets noirs entre les étals du marché. Dans ce genre de situations, doit-on ou non parler de carence éducative quand on sait à quel point les chefs de famille se débattent pour nourrir et habiller décemment leur progéniture ? Et tous ces exemples qu’on vient d’évoquer ne représentent qu’un infime échantillonnage dont la liste risque malheureusement d’être indéfiniment longue. C’est dans ce contexte donc, bourré de contraintes, souvent durs à surmonter pour la catégorie des démunis, et face à une insignifiante prise en charge de la part des pouvoirs publics, que s’épanouit une multitude de mobiles incitant les gens à dévier de la norme sociale pour sombrer dans une panoplie de fléaux, dont la mendicité vient en tête du classement.
B.D.B.