Plus qu’une narration, Zedek fait dans le constat, l’analyse et la projection. Il fait remonter à la surface les milles et une cause qui couvaient en braises scintillantes, prêtes à rejaillir de sous une cendre froide, comme signes avant coureurs. Mais Zedek Mouloud ne s’arrête pas là. En projection, il pose la problématique de la situation du maintenant et de l’avenir. «Sommes-nous en situation de blocage ou vivons-nous une crise d’évolution ?» Il laisse la question posée comme urgence dynamique à éclairer. Une urgence dont dépend étroitement l’advenir de la région.Quand on a été très proche de la situation et pour l’avoir vécue de l’intérieur sans avoir tourné le dos aux siens, on ne peut qu’être dans le vrai. C’est le cas précisément pour Zedek Mouloud. Mais comment s’est-il pris avec une langue, habituellement le propre de la proximité, pour dire tout cela ? Voyons un peu.Tout d’abord, on remarque très vite que les éléments de la tripartite formée du texte, de la voix et de la musique (il faudrait plutôt dire la mélodie) sont soigneusement imbriqués jusqu’à former un tout indissociable.Par delà l’harmonie de cet ensemble, c’est la profondeur de la langue qui domine. En effet, l’architecture du texte poétique de Mouloud est remarquable. Elle repose sur un verbe courant et usuel, mais les images allégoriques qu’il façonne et qui se dégagent d’elles-mêmes, nous étalent une analyse poignante et une réalité qui nous replace dans le vif de la situation. Des expressions, qui servaient jusque-là de formules pour la plaisance et l’embellie langagière, parfois même utilisées à l’emporte pièces, repoussent brusquement les limites phoniques pour attirer notre attention sur les tristes vérités. Pour exemple, la fibule (Afzim) qui orne habituellement et magiquement le frontale ne peut plus servir à quelque chose si la tête qui la porte cesse de réfléchir ou si elle s’entête de ne plus réfléchir. Alors l’ornement devient complice d’une situation de dégradation de ce qui constituait jusque-là des valeurs temporelles. Lors que Zedek glace la torride, l’accablante et l’étouffante chaleur de l’été, refroidie par un sang assoiffé de liberté, alors “ahheq anebdu asemmadh” (par l’été froid) devient engagement solennel qui détrône et réduit à leur plus simple expression les serments et le jugement habituels. Il nous fait remarquer les détours que prennent les professionnels de la politique qui ont perdu le sens de la réalité des choses, allant jusqu’à oublier la mission pour laquelle ils sont sensés être-là. Fatalement ces détours ne font que reporter l’échéance de nouveau. De nouveau ce sera la répétition en plein jour et Mouloud de déclamer dans “zaylell zaylllu”, que la répétition est toujours porteuse d’affaiblissement jusqu’à ne plus rien contenir de consistant. Pour lui, s’abstenir de parler (tasusmi) n’est valable que lorsqu’il faut se taire, c’est-à-dire lorsqu’on est dans le silence utile. Comme nous n’avons pas le temps ni le choix de nous taire… alors le Zedek Mouloud rend hommage à la presse et redonne la pleine voix à la chanson à texte. Le doigt de Mouloud s’est posé sur la vraie touche du clavier social.
A. A.
