Plusieurs titres de presse ont rendu compte du mécontentement de Abdelhamid Temmar – et à travers lui – des autorités algériennes quant aux choix des firmes automobiles françaises de s’installer au Maroc, le préférant ainsi à la « terre promise », l’Algérie.
Loin de moi l’idée de polémiquer, ce comportement officiel – somme toute symptomatique d’une absence totale de lisibilité en matière de stratégie économique – mérite de s’y pencher sérieusement tant les inquiétudes qu’ils soulèvent sont importantes.
Monsieur Temmar sait mieux que quiconque que toute décision d’investissement de la part d’une entreprise – notamment une multinationale – s’appuie sur une démarche logique dont la lame de fond reste la rentabilité du projet, la pertinence et la profitabilité du marché. Sans rappeler la théorie des avantages comparatifs, les firmes françaises, en portant leur choix sur le Maroc, nous renseignent sur le climat d’affaires chez nous et la frilosité qui s’empare de nos supposés partenaires industriels. Il n’est un secret pour personne que l’Algérie officielle, mue par un discours populiste et sans profondeur, a fini par faire fuir les investisseurs les plus têtus. Comment voudriez-vous convaincre des opérateurs de venir déverser leur portefeuille dans notre économie au moment où, pour convaincre la chancellerie française après l’attaque de Lakhdaria, nos officiels ont usé de mensonges en insinuant la capture de Hattab.
Aussi, n’est-il pas légitime, pour ces entreprises, de juger sur pièce : la corruption ronge les institutions et la sphère économique, la bureaucratie est érigée en culture d’état, le système bancaire est à la traîne, la situation sécuritaire demeure précaire et « la stratégie industrielle » franchement floue. Face à ces tares non assumées et qu’on ignore sciemment, les opérateurs étrangers, plus pragmatiques et soucieux de leur survie, ont fait vite le choix de la rationalité consistant à exploiter l’opportunité marchande la plus attractive et la plus profitable. Chose faite. Puisque plusieurs multinationales, ayant manifesté leur intention de venir investir, ont vite déchanté et y ont renoncé. Logique quand on n’a pas su dégager les horizons pour les rendre plus lisibles et tentants.
Au lieu de tirer des enseignements instructifs, le gouvernement se mue dans un misérabilisme intellectuel alarmant et se fait victime d’une conspiration étrangère contre son économie. De tels agissements n’aideraient certainement pas à sortir du cercle vicieux de la médiocrité renforcé une tendance ce que Pierre Bourdieu appelle « Le fonctionnalisme du pire ».
Pendant tout ce temps-là, perdu à jamais, la situation s’aggrave et déchante même les nationaux. Le phénomène des harragas étant la manifestation la plus extrême d’une désillusion, la jeunesse, comme les multinationales, nous renseigne, à travers ce geste de désespoir, le gâchis dans lequel notre pays sombre.
Au pied du mur, un maçon ne parle pas, il construit. Autrement dit, un gouvernement ferait mieux de passer à l’acte de construire que de palabrer inutilement et sans portée.
Belkacem Boukherouf